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Clos des Lambrays 2003 vs. 2002

Par 29 décembre 2015Non classé

Dans la continuité des fêtes de Noël nous nous sommes retrouvés pour une soirée entre amis chez mon ami Lionel pour une comparaison des plus réussies entre le Clos des Lambrays Grand Cru 2003 du Domaine des Lambrays et son aîné d’un an, en plus du Beaune 1er Cru Clos des Mouches 2009 de Marc Rougeot-Dupin.

 

 

 

Beaune 1er Cru Clos des Mouches 2009 Rougeot-DupinLes ripailles de Noël se poursuivent ce soir avec un exercice de style entre deux millésimes de Clos des Lambrays. Une comparaison que Yannick et moi nous étions promis depuis bien longtemps… Avant cela Lionel, notre hôte, qui n’était pas au fait de notre complot, nous propose en apéritif un Beaune 1er Cru Clos des Mouches 2009 de Marc Rougeot-Dupin, la maison de négoce du Domaine Rougeot à Meursault. Marc Rougeot vend ses vins principalement dans l’hexagone et volontiers en grande distribution, dans le but de toucher un maximum d’amateurs locaux. Son Beaune 1er Cru fleure bon un millésime solaire dans un style plutôt riche, beurré et boisé exacerbé par la puissance de la fermentation malolactique : en 2009, c’était presque obligé… La bouche est elle aussi riche, glycérinée, puissante et enrobée par l’élevage. Ce qui est surprenant, c’est que ce vin n’est jamais vraiment alcooleux mais brille plutôt par sa maturité, sa longueur et sa générosité. Il tient de son pedigree de 1er Cru mais manque peut-être d’exprimer toute la dimension de son beau terroir.

Il est temps de passer au thème de la soirée, avec une petite présentation préalable…
Le Clos des Lambrays a toujours été une énigme dans l’histoire des Grands Crus de Bourgogne. Idéalement situé dans la continuité des Grands Crus Clos Saint-Denis et Clos de Tart, ses voisins au Nord et au Sud, il jouit portant d’une renommée qui a longtemps été négligée, en grande partie à cause d’une gestion chaotique par la famille Cosson qui fut propriétaire du Clos pendant 40 ans, entre 1938 et 1979. Alors comment est-on passé du « Clos Délabré » (son surnom à force de léthargie) à la pièce de luxe rachetée 101 millions d’euros par LVMH en 2014 ? Le crédit est à mettre principalement au titre de Thierry Brouin, le régisseur du Clos des Lambrays depuis le rachat de la propriété par le groupe de distribution Felix-Potin en 1979 puis par la famille allemande Freund en 1994. Imaginez que plus de la moitié du Clos des Lambrays a été arrachée et replantée sous sa direction ; au début de sa collaboration avec le Domaine des Lambrays, les installations furent si délabrées que les vins étaient produits à Mercurey, dans une autre cuverie des propriétaires de l’époque… De ce fait le vignoble est plutôt jeune mais sa renaissance en 30 ans a été fulgurante. Le terroir du Clos des Lambrays s’étend sur plus de 8ha avec une différence de 60m entre le haut du clos, au sol pauvre et caillouteux, et le bas, plus argileux. 5 à 8 cuvées entrent chaque année dans la production du fameux Clos des Lambrays, quasi-monopole du Domaine des Lambrays, 1 ouvrée (429m2) appartenant encore à la famille Taupenot-Merme.

Clos des Lambrays

L’avantage de cette histoire mouvementée fut l’accessibilité des prix de ce Grand Cru de Bourgogne par rapport à d’autres de ses voisins : je me souviens avoir acheté les deux vins que nous avons dégusté ce soir-là aux alentours des 60€. Mais ne vous y trompez pas, l’arrivée de LVMH dans l’équation va certainement changer la donne, il me semble que le millésime 2013 avoisine déjà 130€, plus du double, pour une année plutôt moyenne dans la région.

Clos des Lambrays 2002-2003

Nous débutons par le Clos des Lambrays Grand Cru 2002 du Domaine des Lambrays qui sera un compagnon idéal du pot-au-feu préparé pour l’occasion. Issu d’une année bourguignonne classique il avait déjà fait quelques heureux lors de dégustations antérieures (voir ici). A ce stade il offre une robe de vieux velours aux tons rouges et aux bords légèrement cuivrés. Son nez fleurait bon la poussière, le cuir et le fumier à l’ouverture mais lors du service 2h plus tard, il met au jour un beau fruit rouge (griottine, cerise noire). L’évolution prolonge le plaisir sur la terre humide, le thé noir et l’écorce d’orange. La bouche nous présente un vin froid, sombre aux tannins finement râpeux. Le fruit rouge prédomine encore même après plus de 10 ans en bouteille ; la dimension du terroir s’exprime en finale, sur la minéralité et des notes d’anis, de thé et de poudre de cacao. L’élégance de la Bourgogne est ici mêlée à la force d’une Côte de Nuits dans ce millésime d’équilibre. Un vin serein, assagi et sûr de sa force. Alors profitez-en dès maintenant et sur les 10 prochaines années.

Lionel avait tout deviné : la région, le cépage et l’année. Bravo à lui. En revanche il sera déboussolé par l’extravagance du Clos des Lambrays Grand Cru 2003 du Domaine des Lambrays ! Rien que sa couleur grenat soutenue, sans aucun signe d’évolution, nous surprend, et que dire de ses larmes grasses qui longent la paroi du verre. Très puissant au nez, il joue plutôt dans le registre des fruits noirs, à la fois cassis et cerise noire sans pourtant sombrer dans l’excès ; le cuir annonce une once d’évolution. Le crescendo en bouche est saisissant, toujours sur la puissance du fruit noir. Ce Pinot Noir sombre, généreux, et marqué par un léger sucre résiduel, porte des tannins d’une grande maturité mais généreusement polis. La fraîcheur en bouche est surprenante, elle confère un surplus d’énergie à ce vin concentré qui de surcroît ne vire jamais dans la lourdeur. Certes la chaleur l’alcool apparaît quelque peu en fin de bouche mais sont encore une fois estompées par de fines notes mentholées. Un superbe vin dans ce millésime extrême !

Quelle belle comparaison entre deux vins diamétralement opposés dans l’expression du millésime mais qui offrent les similitudes de style évidentes une fois que nous les goûtons face à face. Un exercice de style réussi que nous souhaitons reproduire sur plusieurs autres années car ce Grand Cru Clos des Lambrays poursuit son ascension vers les sommets et n’a pas encore fini de faire parler de lui…

In vino veritas