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Deux Bordeaux prestigieux

Par 24 juin 2010avril 21st, 2013Non classé

Au moment où la Coupe de Monde de football bat son plein avec une Equipe de France à la dérive, une campagne de primeurs 2009 qui frôle le ridicule tant les prix sont proprement délirants (et certainement injustifiés), il est temps de revenir sur une belle soirée entre hommes autour d’un grand Château Léoville-Poyferré 1985, Deuxième Cru Classé de Saint-Julien et d’un prestigieux Château Coutet 1985, 1er Grand Cru Classé de Barsac.


Une fois de plus, Yannick nous a convié chez lui pour mater un match de cette folle Coupe du Monde. Etant donné qu’il s’agit d’un match de l’équipe de France, il n’y a pas grand chose à raconter au niveau footballistique tant le spectacle fut de piètre qualité. Par contre, il a aligné quelques uns de ses meilleurs titulaires pour cette rencontre vinique entre deux calibres de la région bordelaise qu’il affectionne tant.

Le match de football est un peu ennuyeux (logique puisque l’Equipe de France joue), c’est pourquoi nous ne tardons pas à déboucher la première bouteille à l’aveugle. Pour l’occasion, ce Château Léoville-Poyferré 1985, Deuxième Cru Classé de Saint-Julien nous est servi dans des verres de marque Schott Zwiesel que Yannick a acquis il y a plusieurs années à un prix dérisoire pour cette qualité. Le contenu est d’ailleurs tout aussi grand que les verres puisque ce Seigneur de Bordeaux affiche tout de même 25 ans au compteur. D’apparence grenat opaque et sombre, il impressionne de par sa jeunesse et sa noblesse. Le nez est d’une extrême harmonie avec un minéral sous-jacent et des herbes grillées. Le tout est superbement intégré à l’amande douce et le métal qui confirme son sa forte proportion de Cabernet Sauvignon avec un beau fruité sur la cerise mûre. L’évolution est complexe sur des notes de terre, le bois noble et le tabac. Un grand nez ! L’attaque est vive avec des tannins mûrs et puissants. La belle mâche et le fruité mûr avec une dominante cerise témoigne d’un vieillissement optimal qui contraste avec une bouteille du même vin bue l’année dernière (voir par ailleurs).
La bouche est ample, chaleureuse avec des tannins parfaitement intégrés. Le dégustateur n’a aucun mal à comprendre le message que veut faire passer ce vin à la trame très précise sur le métal, le charbon et la terre mouillée. Un message de noblesse à l’image d’un grand Saint-Julien. Le terroir ressort idéalement en fin de bouche avec une orientation métallique, poivrée et une touche surprenante de cacahuète grillée ! Doté d’une grande puissance dans cette finale qui s’éternise, il s’apaise peu à peu dans le verre pour laisser cette trace harmonieuse sur le bois noble, le tabac, la boîte à cigares et un léger fruité secondaire. Ce sentiment apaisé, doux et fin atteste une fois de plus de cette noblesse caractéristique de Saint-Julien. Franchement, un grand vin qui a su nous surprendre dans ce millésime 1985 que Yannick veut absolument liquider… IVV : 94/100.

La deuxième mi-temps du match confirme notre première impression de supporters passifs de la piètre performance des Bleus. Alors que les paris vont bon train quant à une élimination dès les phases de poule, nous ouvrons la deuxième bouteille mystère qui selon notre hôte du soir n’est certes pas au niveau de l’extraordinaire Château d’Yquem 2002 bu il y a quelques semaines. En effet, ce Château Coutet 1985, 1er Grand Cru Classé de Barsac en jette sur le papier et rappelle d’ailleurs un de mes meilleurs liquoreux de Bordeaux – Château Coutet 1989. Son apparence or brillant augure un beau vin liquoreux mais contraste à cause de son aspect léger et clair. Le nez est léger et discret sur la vanille, de fruit jaune et d’ananas. L’évolution boisée, avec une touche de caramel et une belle note d’abricot sec affirme tout le côté viril de ce Barsac de caractère. Malheureusement la bouche, qui reprend ce côté vanillé légèrement doux, pèche de par une amertume assez prononcée, peu d’expression fruitée et un équilibre un peu lourd et alcooleux. La finale reprend ce côté amer mais n’en reste pas moins chaleureuse. Avec le temps, ce Coutet 1985 perd le fil et même si l’on peut se concentrer sur son caractère fougueux, je demeure circonspect quant à la qualité de son vieillissement et songe à la présence d’une anomalie que déjà le bouchon avait laissé augurer lors du débouchage.

D’ailleurs la bouteille ne sera pas terminée et devant cet échec pour un vin de calibre, je me demande s’il ne vaut pas mieux profiter de ces grands vins liquoreux lorsqu’ils donnent un maximum de plaisir fruité et sucré, c’est-à-dire avec maximum 10 ans d’âge. Surtout que l’Yquem 2002 de l’autre soir était déjà parfait avec certes un long carafage préalable.

Quoi qu’il en soit, je pense que Lio se joint à moi pour remercier Yannick de son accueil de prestige. Et même si le Coutet 1985 fut à l’image de la performance de l’Equipe de France, je reste pantois quant à la classe, l’harmonie et la jeunesse de ce Léoville Poyferré 1985. Rien que pour ce dernier, je veux bien revenir m’ennuyer devant d’autres matches de cette Coupe du Monde…

In vino veritas
Thomas