In Vino Veritas

La Quintaine de Guillemot-Michel

Nouveau rendez-vous des Avinturiers pour découvrir le Domaine Guillemot-Michel et son fameux Viré-Clessé « Quintaine » sur 7 millésimes. Cette superbe verticale organisée par Philippe et Jean-Michel nous a permis de revenir sur le travail remarquable de ce vigneron talentueux.

Le couple Pierrette et Marc Guillemot-Michel sont à la tête d’un vignoble de 6ha de Chardonnay à Clessé, dans le lieu-dit Quintaine qui a donné son nom à la seule cuvée du domaine. Précurseurs de la biodynamie dans la région, les Guillemot-Michel ont repris des vignes des générations précédentes et travaillent dans le respect des traditions et de la nature depuis le milieu des années 1980. Ils ont reçu leur certification bio dès 1992 et ont poursuivi pour entrer dans le cercle des domaines certifiés Demeter depuis peu.

Le domaine produit une seule cuvée, baptisée Quintaine, du nom du lieu-dit rattaché au village de Clessé. Toutes les parcelles sont exposées au soleil levant, et bénéficient de l’influence climatique de la Saône qui radoucit les températures hivernales et amène de la précocité. Les sols du vignoble sont composés d’argiles, de limons et d’humus qui proviennent pour majorité de l’altération et de la transformation du socle géologique calcaire. Les parcelles sont plantées avec une forte densité afin de favoriser les défenses naturelles des vignes sans utiliser de produits chimiques pour traiter la vigne. La biodiversité est préservée et les rendements sont relativement faibles Enfin les vins ne voient pas un soupçon de bois tout au long de l’élevage ce qui favorise la pureté des vins et transmet la vérité de chaque millésime.

Voilà : le décor est planté, place maintenant à la dégustation avec mes amis Les Avinturiers. Nous nous retrouvons tous chez Jean-Michel qui, avec l’aide de son épouse Véronique nous ont concocté des accompagnements gourmands idéaux pour chaque série de vins. Le programme est très simple : nous avons la mission de remonter le temps et de tester La Quintaine au fil des âges, entre 2011 et 2005.

La première série oppose les millésimes 2011 et 2010 que tout oppose a priori quand on se réfère à la météo des 2 années. Le Viré-Clessé « Quintaine » 2011 arbore une robe encore jeune et brillante. Le nez regorge de fruit pulpeux avec une dominante sur l’ananas et la pêche blanche. Gourmand et exotique, il évolue sur la vanille et des notes lactiques. L’attaque en bouche est fine et veloutée pour se poursuivre sur le palais avec un beau volume de bouche. Le côté un peu trop chaleureux en bouche suggère que ce vin doit encore peut-être un peu s’assagir. La finale gagne en pureté grâce à une fine acidité : des notes minérales confèrent longueur et profondeur tout en terminant sur des notes salines qui proposent un très bel accord gastronomique. IVV : 85+/100. Le Viré-Clessé « Quintaine » 2010 est quant à lui moins exubérant que le vin précédent et met au grand jour des notes minérales au nez : fumée, charbon, fer. Le fruit blanc n’apparaît qu’avec le temps dans le verre avec des notes de poire confite et d’agrumes. Ce nez est encore discret mais a vraiment beaucoup de fond. Il annonce une bouche de grand potentiel qui débute sur une superbe vivacité. Le fruit blanc et le citron confit se mêle au terroir qui est encore révélé à travers la pierre mouillée et le fer. Plus brut que son cadet d’un an, il se différencie par son équilibre divin et une trame de bouche précise et sans excès : acidité et matière sont parfaitement balancées. La finale est chaleureuse et persistante avec une salivation tardive, profonde et une rétro-olfaction sur les fruits blancs. Un vin de grande classe ! Bravo ! IVV : 91+/100.

L’entrée en matière est vraiment réussie. Comme précisé lors de l’introduction ces vins sont fidèles au millésime ; ils se livrent sans compromis et sans superflu ! C’est donc tout naturellement que Le Mâcon-Villages « Quintaine » 2009 reflète le côté solaire de cette année. Je précise que « Quintaine » portait bien l’appellation Mâcon-Villages avant le millésime 2010 car le vigneron trouvait que le cahier des charges pour porter l’appellation Viré-Clessé était trop contraignant, plus particulièrement dans les taux de sucres résiduels autorisés. Depuis les changements opérés par la législation (en 2011), il peut enfin porter l’appellation qui recouvre précisément le lieu-dit Quintaine, à savoir Viré-Clessé. Passé cet intermède administratif revenons-en à ce 2009 exubérant qui laisse jaillir du verre le citron confit, l’ananas et une palette de fruits exotiques mûrs. L’évolution sur la tarte Tatin, la vanille, la mirabelle et le coing ne donne qu’un aperçu de tout ce qui se cache sous ce nez mûr et complexe, qui garde une fraîcheur mentholée. L’attaque en bouche est grasse et ronde, sur la pomme cuite et un fond solaire et puissant. Une légère amertume en bouche fait penser aux excès de cette année chaude, l’équilibre en bouche n’étant pas aussi souverain que le vin précédent. Le citron confit porte toutefois l’ensemble dans une longue finale. Robert Parker a bien aimé ce vin apparemment, moi je lui préfère 2010 ! IVV : 87+/100.

Au passage je tiens à remercier Philippe d’avoir pu obtenir du couple Guillemot-Michel cette série inédite de vins. Quand on pense qu’à l’heure à laquelle je vous écris le millésime 2011 est déjà épuisé, Pierrette et Marc ont eu la bonté de nous accorder ces bouteilles de leur réserve personnelle. Quatrième vin de cette série le Mâcon-Villages « Quintaine » 2008 arbore une belle maturité de fruit (avec des notes gourmandes de chocolat blanc), dans un registre moins intense que 2009, bien sûr. La profondeur du nez suggère que ce vin est encore jeune et discret. L’attaque en bouche est incisive, sur des notes pures d’ananas, de fruit jaune et de banane. Le fond minéral du vin et le côté onctueux offre un joli mariage, avant que le tout ne se prolonge dans une fin de bouche aux notes briochées. Les beaux amers et une rétro-olfaction sur le champignon ajoutent de l’originalité à ce beau vin. IVV : 86/100.

Nous entrons dans la dernière ligne droite avec les trois derniers millésimes proposés. Et je dois vous avouer que nous touchons petit à petit au très beau, preuve en est de la qualité de garde de ce superbe vin. Le Mâcon-Villages « Quintaine » 2007 est plutôt fermé de prime abord, plusieurs participants lui trouvent un défaut. Personnellement je pense qu’il faille lui donner le temps de sortir de sa bulle. A l’aération il garde quelques arômes champignonnés mais prend peu à peu des notes de fruit blanc, de tarte à la rhubarbe et des fruits exotiques. L’évolution minérale devient une caractéristique que je retrouve dans chacun de ces vins et témoigne de l’adhésion au terroir de ses vins sans artifices. La bouche est veloutée, sans excès et met en valeur la distinction de ce Chardonnay. La maturité du fruit est présente mais sans aucune chaleur, pour preuve cette belle tension acide balancée à la poire confite, la mirabelle et à la vanille. Il y a une petite amertume en fin de bouche mais qui n’est pas très dérangeante. Chaleureux et long, il gagne presque encore à vieillir ! IVV : 88/100.

Le Mâcon-Villages « Quintaine » 2006 annonce un nez de vendange tardive et démontre que le botrytis est bien souvent présent dans ces vignes précoces. Le miel, la pomme cuite et le coing annonce toutefois une évolution pure sur les fruits à noyau avec une touche de poivre. En bouche l’alcool de poire et le raisin de Corinthe reprennent cet aspect botrytisé et me rappelle le Viré-Clessé Tradition J. Thévenet 2004, Domaine de la Bongran dégusté l’année dernière à la Fourchette des Ducs (voir par ailleurs). Opulent en bouche, il tient très bien la route car il est porté par une belle acidité et une fraîcheur vanillée. Témoin d’une arrière-saison chaude il a dû batailler pour offrir le meilleur ce soir. Mais il est tout à fait étonnant de jeunesse et de fraîcheur. IVV : 88/100.

Pour finir nous nous attaquons à un autre grand millésime bourguignon. Le Mâcon-Villages « Quintaine » 2005 a un nez distingué et complexe de poire mûre, de mirabelle et de groseille à maquereau. La pêche et l’eau de vie à la framboise complètent le tout avant que ce vin ne s’exprime idéalement au palais. Elégant et expressif en bouche, il oscille entre une expression de terroir et un fruit mûr. De toute beauté il est l’aboutissement d’une année riche et d’un terroir de grande qualité. Superbement équilibré donc ! Il se termine dans une finale longue, persistante et épicée (poivre blanc). Top ! Voici très certainement ce à quoi le 2010 ressemblera après quelques années de garde même si je pense qu’il sera un (tout petit) cran au-dessus de ce superbe 2005 ! IVV : 91/100.

Pour terminer Jean-Michel ne pouvait pas résister à nous faire deviner un vin rouge issu de sa cave privée. De belle couleur rubis légèrement trouble, il présente un nez pur de cerise et de fumée. Charmeur de prime abord il évolue tout doucement sur les petits fruits noirs, la cerise au jus puis le cuir et le café. Ce nez complet évoque sans douter un Pinot Noir de Bourgogne. Après être parti dans la Côte de Nuits (plus précisément Morey Saint-Denis), je commence à douter… Goûtons ! L’attaque en bouche est vive, franche, la matière est moyennement riche ce qui suggère un millésime plus froid (2008?). Le fruit rouge est friand, la fin de bouche est juteuse et sapide. La minéralité de l’ensemble n’a d’égal que sa complexité : petits fruits rouges, baies et cuir rejaillissent dans une finale longue. Je retourne dans la Côte de Beaune et après avoir passé en revue tous les villages de la Côte, je m’arrête à juste titre à Chassagne. Bingo ! Ce Chassagne-Montrachet Vieilles Vignes 1er Cru Clos Saint-Jean 2008 de Jean-Marc Pillot me donne raison. C’est un très joli Pinot Noir et qui plus est un excellent rapport qualité-prix. Merci Jean-Michel !

C’est là qu’une bouteille arrive encore à table pour accompagner une succulente compote de pommes préparée par Véronique. Le Tokay Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 2000 du Domaine Rominger est tout simplement exceptionnel ! Le nez regorge de pomme cuite, de cannelle, de sucre roux, de citron et d’orange confits avec une pointe végétale qui lui confère un superbe élan ! La bouche est sensationnelle grâce À ce toucher de bouche velouté et sensuel. La complexité est naissante : notre hôte a raison de dire que ce vin sera à la pointe des liquoreux du monde dans une vingtaine d’années seulement… D’ici là il glisse en bouche sans aucune lourdeur, d’ailleurs aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer qu’un (Tokay) Pinot Gris ne puisse produire un vin comme celui-ci ! Le sucre roux, le miel, des beaux amers (quinine), la tomate confite annoncent à la fois la grande finesse de cette SGN mais aussi son énorme potentiel. Sa superbe liqueur et sa profondeur le confirment. La finale est riche sur le miel et la cannelle. La longueur minérale de ce vin est extraordinaire si bien qu’elle confère une sensation de légèreté et un côté aérien à ce Grand Vin. Superbe !!!

Nous tous Avinturiers sommes ivres de bonheur à l’issue de cette superbe dégustation ! La Quintaine du Domaine Guillemot-Michel est un superbe vin qui ne triche pas : il est fidèle à son millésime, ses origines et à son vigneron. Pierrette et Marc sont des artisans vrais et passionnés. C’est d’ailleurs avec grand bonheur que nous apprenons que leur fille Sophie les rejoigne en 2013, après des études d’agronomie et d’oenologie, afin de perpétrer la longue tradition de cette famille talentueuse.

Domaine Guillemot-Michel, Lieu-dit Quintaine, F-71260 Clessé
Tél. 03.85.36.95.88, sceadequintaine@wanadoo.fr

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