In Vino Veritas

Les Gobeloteurs, vignerons partageurs

Retour sur un moment exceptionnel avec la rencontre des Gobeloteurs, une association de vignerons partageurs, qui a fait le déplacement à l’Hôtel Krafft de Bâle pour nous faire découvrir de grands vins dans un environnement des plus conviviaux. Tout amateur de vin ne pouvait pas rater cet évènement rare en compagnie de vignerons de grand talent. Avec entre autres les Champagnes Larmandier-Bernier, le Domaine Vacheron, Thierry Germain, le Domaine Ramonet, Pierre-Yves Colin-Morey, David Duband, Yves Cuilleron et le Domaine Cosse-Maisonneuve. J’en passe, et des meilleurs ! 

 

Nous sommes vignerons, ancrés dans nos terroirs, fiers de poursuivre l’œuvre : celle qui exige de donner le meilleur de nous-mêmes pour créer de grands vins. Et, naturellement, nous aimons le partage. Nous nous sommes choisis pour grandir ensemble.

Telle est la philosophie des Gobeloteurs, ce groupe de vignerons français créé en 2005 dans le but de promouvoir leur travail mais aussi se retrouver et partager du bon temps ensemble. A gobeloter ! Ce terme quelque peu désuet de nos jours se voulait de prime abord plutôt péjoratif : d’après le Dictionnaire de l’Académie Française de 1694, gobeloter signifie « buvoter, boire à petits coups » et ne se dit guère qu’en « mauvaise part ». Et bien je peux vous dire que les temps ont bien changé et que ce groupe s’est efforcé ce soir de faire revivre ce verbe de la plus noble des façons…

Nous nous retrouvons avec Benoit dès l’ouverture de cette dégustation ouvertes à tous à l’Hôtel Krafft de Bâle. Plus d’une douzaine de membres de cette association présentent leur dernier millésime dans la salle du restaurant. Peu de monde circule dans les allées, ce qui rend les discussions avec chaque vigneron intenses et passionnantes. Nous débutons avec le Champagne Larmandier-Bernier, représenté par les vignerons propriétaires Sophie et Pierre Larmandier. Je n’avais pas vraiment accroché sur ces Champagnes de la Côte de Blancs lors de ma dernière dégustation en 2009, leur reprochant un trop-plein d’effervesence. Et bien il faut croire que les goûts changent… Je fus plutôt enchanté par toute la gamme de ce couple champenois à commencer par le Champagne 1er Cru Rosé de Saignée Extra Brut issu d’une macération pelliculaire de 3 jours. 100% Pinot Noir, vous l’aurez compris ; sa couleur grenadine intense attire l’oeil avant que le nez ne diffuse des notes mûres de fruit rouge (fraise, framboise, cerise griotte), d’orange sanguine et de minéral. La bouche, vineuse et brute, porte le fruit rouge avec une effervescence rafraîchissante et onctueuse. Long et persistant, il s’agit d’un Champagne rosé original mais réussi ! Le Champagne 1er Cru Terre de Vertus Extra Brut 2008 offre des notes complexes d’amande douce, d’agrumes et d’épices. Sans une once de dosage, il exprime le terroir de Vertus avec classe et race. Parfaitement équilibré, c’est-à-dire combinant une acidité vibrante et une belle matière vineuse, il se prolonge dans une finale profonde à la fois saline et épicée. Un vin franc et pur qui est mis en valeur par un superbe millésime. Pour finir Le Champagne Grand Cru Vieille Vigne de Cramant Blancs de Blancs Extra Brut 2006 dévoile un ensemble de grande maturité qui met en avant des notes beurrées et caramélisées ainsi que les fruits confits. La bouche brille par son élégance et sa subtilité tout d’abord : la bulle est discrète et onctueuse. Puis ce vin révèle son vrai visage, gagnant en vinosité en deuxième partie de bouche. Sa maturité est portée par la pureté et l’éclat de ce terroir crayeux avant de finir tout en longueur et en puissance. Un vin de caractère ! Bravo !

 

L’entrée en matière est déjà d’une grande classe ! Poursuivons avec un autre domaine célèbre que je déguste aujourd’hui pour la première fois : le Domaine Vacheron à Sancerre. Porteur des labels AB, Demeter et Biodyvin, la famille Vacheron est un fervent défenseur de l’agriculture biologique. Fondé il y a deux générations seulement, le domaine exploite aujourd’hui plus de 40ha de vignes dont la grande majorité sur Sancerre. Nous sommes très vite sous le charme de tous les vins proposés par Jean-Dominique et Jean-Laurent Vacheron, qui nous font débuter par les sélections parcellaires du Domaine. Le Sancerre « Paradis » 2011 provient d’une parcelle argilo-calcaire de 1ha située plein sud et à la pente raide. Il se montre d’abord très discret mais déjà d’une grande pureté avec ses notes d’agrumes et de fleurs blanches. La bouche est vive, de bonne matière avec des nuances d’agrumes et de chèvrefeuille, puis l’on sent la patte biodynamique du domaine avec cette touche levurée sapide. Il doit encore un peu se faire mais la matière est là ! Le Sancerre « Les Chambrates » 2011 est plus ouvert et plus complexe. Pierre-Yves Colin nous rejoint pour apprécier ce vin sec, droit et tendu qui dévoile un beau corps citronné. La finale au cordeau est longue et persistante, l’acidité ne domine pas mais confère au vin une fraîcheur remarquable.  Un très beau vin. La dernière cuvée parcellaire, le Sancerre « Les Romains » 2011 a grandi sur du Silex, du vrai ! Cette parcelle de 3ha est plantée de vignes de 50 ans issus de sélection massale. Il est clairement le plus fermé à ce jour mais dévoile des soupçons de fleur et d’agrumes au milieu de la pierre mouillée. La bouche se montre aussi discrète : d’abord linéaire, elle gagne ensuite en puissance pour finir dans une finale des plus persistantes et des plus profondes. Il gagnera encore à vieillir quelques années mais sa tension et sa matière ne font aucun doute quant à son potentiel. Après cela, mentionnons l’excellent Sancerre 2012 qui se montre plus classique mais très sapide et juteux en bouche : les baies, le citron ainsi que le kiwi frais en font un Sancerre de classe, à la fois simple et hédoniste.
Enfin comment ne pas tomber amoureux du Sancerre Belle Dame 2009 ! Il a été mis en vente récemment après avoir passé 2 ans en élevage en barrique. Cette cuvée existe depuis le millésime 1995 et fait tous les ans le plaisir des grands amateurs de Pinot Noir. Le nez se montre d’emblée très fervent et croquant de fruit rouge, à la fois sur la fraise et la cerise. La bouche est riche, signe d’un grand millésime, avec une onctuosité des tannins incroyable. L’élégance même du Pinot Noir fait honneur à son cépage et en piégerait plus d’un quant à son origine… Un exemple de classicisme, un coup de coeur !

 

Thierry Germain est un artiste du vin, un révélateur de terroir et avant tout un gars sympa ! Il vous expose ses convictions d’une manière si passionnante et limpide que vous ne pouvez que vous incliner ! Bon là, je dois dire que mes idées ne sont pas très divergentes de sa philosophie, ce qui rend la discussion beaucoup plus simple… Après avoir repris le domaine familial en 1991, il s’impose très vite comme un fervent défenseur du terroir et des vins qui révèlent leur identité propre. Dès l’an 2000 il se lance dans la viticulture biodynamique et avoue volontiers qu’il a fallu entre 7 et 10 récoltes pour observer un impact notoire dans la bouteille. Son Domaine des Roches Neuves produit une multitude de cuvées avec cette année le tout nouveau Clos de l’Ecotard et le Clos Romans en blanc ainsi que le Clos de l’Echelier et Mémoires en Saumur-Champigny rouge. Justement parlons-en du Saumur Clos de l’Ecotard 2012, produit par son protégé Michel Chevré. Issu d’un terroir de calcaire blanc, il exhale au nez des notes fraîches de pomme verte et de poire. Bel équilibre de bouche, entre une matière fraîche (poire, bonbon Arlequin) et une acidité qui procure longueur et tension. Je le vois bien sur des sushis… Le Saumur L’Insolite 2012 provient d’un vignoble de 95 ans sur des sols de silex, de calcaire et d’argile. Très discret au nez, il a besoin d’un plus d’air pour se révéler. La poire, la fleur blanche (acacia, camomille) mettent en avant une complexité naissante. En bouche ce vin se distingue par sa pureté cristalline, sa matière fruitée et épicée puis sa longueur rafraîchissante. A revoir dans 1 à 2 ans. Pour finir le Saumur Clos Romans 2011 est une micro-cuvée (500 bouteilles) produite à partir de Chenin. Le Clos Romans date du 11è siècle et jouxte l’église de Parnay, sur une couche d’argile de 30cm posée sur la roche mère calcaire. Planté à 10.000 pieds/ha, il ne produit que des rendements très faibles de 25hL/ha. Le nez explose de fruit blanc (poire, pêche) mêlé au jasmin et aux agrumes confits (mandarine). La bouche est brute, minérale avec un gros volume. Il y a un caractère presque alsacien dans ce vin de Loire, si parfait car à la fois mordant et velouté. Très dynamique au palais, il finit sur la fraîcheur et la persistance. Un sérieux candidat ! Superbe ! En rouge nous débutons avec le Saumur-Champigny 2011 qui est un Cabernet Franc classique, au fruité mûr et facile, la finale met en avant le terroir crayeux. Le Saumur-Champigny Terres Chaudes 2011 dévoile d’emblée un nez plus animal en plus du fruit rouge mûr. Il se différencie de son cadet par plus de matière en bouche avec une orientation terreuse et minérale plus aboutie qui révèle son terroir argilo-calcaire en finale. Le Clos de l’Echelier est planté à majorité de Cabernet Franc (90%) mais j’ai entendu dire que Thierry produisait aussi un Chenin dans ce Clos à fleur de cette roche calcaire. Le Saumur-Champigny Clos de l’Echelier rouge 2012 offre d’emblée un grande pureté de fruit rouge (cerise, framboise, mûre) pour se poursuivre en bouche sur la cerise au kirsch et des notes végétales. C’est un vin posé, sûr de lui car il possède cette rondeur et la facilité de ce millésime généreux. Cependant l’amertume légère du Cabernet Franc lui donne de l’élan et de la fraîcheur. Le Saumur-Champigny La Marginale 2010 provient de lieu-dit Les Poyeux à Chacé, exposé plein sud, là justement d’où provient le célèbre Saumur-Champigny Les Poyeux du Clos Rougeard (voir ici la dégustation du magnifique millésime 2009 la semaine précédente à Berlin). Le fruit rouge se décline avec complexité au nez, oscillant entre les baies rouges, la mûre et la cerise burlat, le tout rehaussé d’un fine touche végétale (fougère) et épicée (poivre noir). L’attaque combine caractère et richesse ; au palais ce vin impose sa matière avec des notes de métal et de fruit rouge. C’est assurément un vin de garde car ses tannins sont nombreux puis la finale longue, encore un peu serrée, brille par son énergie et sa richesse. Superbe vin, grand potentiel ! Enfin parlons d’une dernière pépite dénichée par le Domaine des Roches Neuves avec le Saumur-Champigny « Mémoires » 2012, issu d’un vignoble vieux de 108 ans dont les vignes de Cabernet Franc ont été greffées juste après le passage ravageur du phylloxera dans la région…  L’harmonie du nez ainsi que sa vivacité et sa complexité sont étonnantes. Le fruit est d’une grande maturité au palais, elle est intégrée de fort belle manière par des tannins mûrs et chaleureux qui confèrent une grande harmonie à l’ensemble. Celle-ci est décuplée par une fin de bouche fraîche à souhait qui s’impose avec droiture et profondeur. Quelle verticalité ! Bravo Thierry, nous nous retrouverons plus tard dans la soirée…

 

La Bourgogne compte de dignes représentants de la Côte de Beaune parmi les Gobeloteurs. Noël et Jean-Claude Ramonet font partie des plus grands producteurs de Chassagne-Montrachet avec un héritage de vignes sur de nombreux Premiers Crus et Grands Crus du village, que nous avons le privilège de déguster aujourd’hui… Avant cela partons à la découverte de l’Aligoté, cépage unique sur la petite commune de Bouzeron. Le 2012 se livre immédiatement au nez grâce à des touches florales et fumées. La bouche est riche, ronde avec des notes de yaourt au citron et de fumée. Prêt à boire, il est néanmoins puissant et riche mais décline de beaux amers en finale. Le Chassagne-Montrachet 2012 est citronné et puissant : il n’y va pas par quatre chemins même s’il manque un peu de finesse pour moi. Le Chassagne-Montrachet 1er Cru Boudriotte 2011 provient d’une vigne en bas de coteau en allant vers Santenay. Il exprime des notes de boîte à médicament, d’eucalyptus et de fruit blanc au nez. La bouche est puissante et allie beaucoup de corps et d’ampleur. La finale évoque la banane et la vanille (élevage ?) et manque quelque peu de vivacité pour le moment. La montée en gamme est immédiate avec l’excellent Chassagne-Montrachet 1er Cru Caillerets 2011, issu d’une vigne en coteau au sol drainant qui produit un fruit naturellement plus sain. Le nez dévoile de fines notes fumées et d’agrumes. Enchanteur et prometteur, il poursuit au palais dans un registre puissant qui préfigure une garde sur plusieurs années. L’équilibre en bouche est cependant déjà superbe car porté par une acidité vive ; cette sapidité calcaire est encore brute mais annonce un grand Chassagne d’ici à 5 ans. Nous terminons par le Bâtard Montrachet Grand Cru 2011 : quelle générosité de nous offrir un tel vin ! Le nez est d’une grande intensité et d’une immense profondeur, avec des nuances fruitées d’une grande maturité rehaussées de fumée, de noisette et de tabac blond. L’attaque est élégance, fumée puis ce Bâtard aux larges épaules s’impose peu à peu au palais avec des notes de fruits blancs et de fleurs. Encore fermé, on n’imagine volontiers qu’il gagnera à vieillir pour exprimer toute sa puissance même si l’on soupçonne déjà une grande structure de bouche. La force et l’énergie de ce vin sont potentiellement exceptionnelles car elles sont supportées par une fraîcheur remarquable. Ce vin sera grand dans quinze ans !
Comme vous le savez certainement, le Domaine Ramonet produit aussi des vins rouges sur la commune de Chassagne-Montrachet. Avant d’un déguster un exemple, je voulais mentionner le très bon Bourgogne rouge 2011 qui joue dans un registre mûr et pulpeux, le nez mettant l’accent sur les fruits rouges mûrs et une fine note d’amande douce et de pruneau. La bouche offre une belle matière et un fruit d’une grande maturité. Un vin pour la soif et avec les copains. Le Chassagne-Montrachet 1er Cru Clos Saint-Jean 2011 est un exemple de grand vin de Chassagne, à la fois ample et riche, sans pour autant basculer dans la sur-extraction. Les arômes en bouche sont complexes (fruit rouge mûr, cuir léger, noisette), les tannins sont veloutés mais francs et supportent le corps imposant de ce Chassagne aux larges épaules et la longue finale juteuse. D’ailleurs je mets au défi qui que ce soit de trouver un vin fluet chez les Ramonet, ce n’est pas la philosophie de la maison car avant toute chose, les vins sont taillés pour la garde !

 

Prochain représentant de cette brochette de talent en Côte de Beaune, le Domaine Etienne Sauzet à Puligny-Montrachet. Créé au début du siècle dernier par Etienne Sauzet (1903-1975), il est aujourd’hui exploité par Emilie Boudot, l’arrière-petite-fille du fondateur, sur plus de 10ha de vignes, dont les plus grands terroirs de Puligny-Montrachet (4 Grands Crus et pas moins de 9 1er Crus – certains de ces raisins sont achetés à d’autres propriétaires). Le domaine travaille en biodynamie depuis 2010 après avoir expérimenté ces pratiques depuis 2008 ; les vins sont élevés sur lies fines, une portion de 20 à 40% de bois neuf est utilisé selon les cuvées. Nous débutons cette série de 4 vins par le Puligny-Montrachet 2011 qui a la mission difficile de passer le Bâtard-Montrachet précédent… Son nez très fumé et vanillé précède une attaque toute en finesse. La bouche évolue gentiment sur des tons encore boisés mais relevés par une belle acidité qui est un gage de fraîcheur. Nous poursuivons avec trois 1er Crus de la gamme qui ont le point commun d’être tous en bordure de Meursault, au Nord de l’appellation. Le Puligny-Montrachet 1er Cru Les Referts 2011 reprend ses notes fumées qui, à mon avis, témoignent encore d’une légère réduction à ce stade. La bouche prend une belle ampleur par rapport au vin précédent et se distingue par sa belle acidité citronnée. Il annonce un style de vin plus élégant et plus pur que l’on a tendance à retrouver sur la commune de Puligny. Situé en haut de coteau, jouxtant le grand Meursault Perrières, le Puligny-Montrachet 1er Cru Champ-Canet 2011 se montre vif dès l’attaque de bouche. Vigoureux, énergique, il combine à la fois matière et finesse avec beaucoup de justesse. La fin de bouche reprend des notes grasses, beurrées et relance le tout dans une longue finale : il s’agit pour moi du plus beau Puligny de cette série. Pour finir le Puligny-Montrachet 1er Cru Combettes 2011 est encore à un stade précoce de son évolution. Discret au nez, il s’ouvre sur des notes de fumée et de vanille portés par un beau fruit jaune. Ce vin ne demande qu’à s’épanouir : il est encore gainé et limité dans son expression mais dévoile toute sa puissance jusque dans une finale longue et chaleureuse. Un très beau line up de la part de cette vigneronne de talent qui allie la justesse de la matière et finesse que l’on attend d’un grand Chardonnay.

 

Dernier de cette série nous avons le grand privilège de rencontrer un des meilleurs vignerons de sa génération : Pierre-Yves Colin-Morey est la star du moment. Ses vins s’arrachent sur toute la planète mais sa discrétion et sa simplicité imposent le respect. Il n’a pourtant eu que très peu de temps pour s’imposer car il ne produit des vins sous son étiquette depuis moins de 10 millésimes. Avant cela il travaillait au à l’élaboration des vins du domaine familial Marc Colin à Saint-Aubin tout en produisant des cuvées issus d’achats de raisins. Il sera très vite tenté de voler de ses propres ailes, emportant avec lui quelques parcelles du domaine familial mais aussi en travaillant avec des raisins achetés à des d’autres vignerons dont il est sûr de la qualité. Il crève l’écran très vite… Cependant quand nous l’avons rencontré, il ne se prend pas la tête. Il ne s’inscrit dans aucune démarche biologique ou biodynamique tant que les bienfaits sur le produit fini ne sont pas avérés. Il prône uniquement le travail de la Terre et l’importance des labours pour la bonne santé des vignes, c’est pourquoi il n’utilisera jamais d’herbicides. Trois vins sont présentés à cette dégustation : nous débutons avec le Saint-Aubin 1er Cru Champlots 2011, situé plein sud, à mi-coteau derrière le 1er Cru La Châtenière où il détient aussi quelques vignes. Ce Champlots est droit, précis et d’une grande dimension minérale. Son nez est proche d’un Riesling (!) et met en avant notamment les agrumes et des notes fumées et minérales. Très typique de ce Cru selon son créateur, il se prolonge avec fraîcheur et finit sur des notes de vanille légère et de corn flakes. Digeste, pur, c’est un superbe Saint-Aubin issu d’un millésime réussi. Le Meursault Narvaux 2011 se distingue quant à lui par un nez complexe qui allie la menthe fraîche, l’anis au fruit blanc et à la groseille. Provenant d’une vigne en haut de coteau, au-dessus des Genevrières, ce cru est souvent assimilé à un 1er Cru. La bouche est ronde, avec une belle matière qui reprend les fruits blancs et le tilleul en finale. Ce vin se distingue avant tout par son raffinement et sa classe. Super ! Enfin le Chassagne-Montrachet 1er Cru Champ-Gains 2011 est encore jeune, pour preuve quelques notes de réduction (savon). L’aération met en avant toute la complexité de ce vin, oscillant entre la pomme, les agrumes, la tomate verte puis le tabac et le pain frais. En bouche le vin possède une réserve de puissance équilibrée par une fraîcheur et une acidité remarquables. Ces dernières lui procurent une longueur et une profondeur étonnantes qui se révèleront après 5 ans de garde au moins. Nous en avons fait la belle expérience le soir-même avec un Chassagne-Montrachet 1er Cru Chenevottes 2007… Restez connectés !

 

Mon stylo commence vraiment à chauffer tant il y a de belles choses à goûter ! Pêle-mêle nous dégustons d’autres très beaux vins comme le Saint-Péray Les Cerfs 2012 d’Yves Cuilleron. Cette appellation voisine de Cornas a le vent en poupe depuis une dizaine d’années alors qu’auparavant personne n’y trouvait vraiment d’intérêt. Composé à 100% de Marsanne ce vin dévoile un nez exubérant de bonbon, de poire et de fleurs blanches, sans pour autant être entêtant. La bouche se distingue par sa fraîcheur et son croquant : après une attaque sur le tilleul, il évolue avec élégance sur la cerise blanche pour terminer avec fraîcheur dans une belle finale. Il gagnera à rester en cave encore une année pour être au top ! Je le trouve bien plus agréable que le Condrieu Les Chaillets 2012 d’Yves Cuilleron qui nous ennivre de ses notes pénétrantes de fleur blanche, de menthol et de muscat. Je trouve la bouche trop exubérante à cause de ce parfum insistant de fleur qui pour moi s’impose trop et déséquilibre l’ensemble à cause d’une tournure un peu trop alcooleuse. D’ailleurs je me demande si je ne commence pas à compter le Viognier parmi les cépages que j’apprécie le moins…

 

Je vous invite aussi à déguster le Nuits-Saint-Georges 1er Cru Aux Thorey 2011 de David Duband. Personnage généreux, ce vigneron représente cette nouvelle génération de talents de Bourgogne. David a repris à 19 ans le domaine familial créé en 1965 et n’a cessé de travailler à développer la qualité de ses vins, tout d’abord en arrêtant le négoce en 1995 et en arrêtant l’utilisation de déheserbant dès 1998 (passage en travail bio en 2004). Le vigneron n’utilise que 30% de fûts neufs et s’est très vite laissé tenter par la vendange entière. Aujourd’hui son domaine de 17ha (dont 6 en propriété) s’étend sur toute la Côte de Nuits et ce, jusqu’à Gevrey-Chambertin grâce au rachat du Domaine Truchot par M. Feuillet, le « mécène » du domaine. David Duband avoue volontiers qu’il aime les vins sur le fruit et recommande à tous ses amateurs de boire ses vins dans les 5 ans. Je ne peux qu’adhérer à cette philosophie de faire les vins qu’on aime, des vins à boire, et non des objets de dégustation. Revenons-en à ce Nuits Saint-Georges 1er Cru Aux Thorey 2011 qui est issu d’une vigne en haut de coteau sur la partie Nord de l’appellation, en allant vers Vosne-Romanée. Il se distingue par ses arômes de cerise et de violette au nez. La bouche est d’une grande texture soyeuse, sur le fruit et une grande élégance. Il s’agit d’un vin très délicat qui de surcroît est très digeste. Il s’agit d’une de mes coups de coeur de cette tournée.

 

Les organisateurs demandent aux vignerons de ranger leur table pour pouvoir mettre en place le dîner de ce soir. Il ne me reste que quelques secondes pour rejoindre Matthieu Cosse qui est à la tête de la plus célèbre propriété de Cahors, le Domaine Cosse-Maisonneuve. Ce brillant oenologue, amateur de grands vins et de gastronomie s’est associé avec sa femme, Catherine Maisonneuve pour produire des Cahors riches et expressifs qui se distinguent par une fraîcheur remarquable. Le domaine est géré en biodynamie et produit aussi d’autres cuvées de Vin de Pays du Quercy issus de Gamay et de Cabernet Franc. Le Cahors La Fage 2010 provient de terres de graves. 100% Malbec, il associe justement une grande fraîcheur à un fruit mûr et pulpeux (mûre, cerise noire). Il est doté de tannins frais qui procurent une belle mâche puis une finale rafraîchissante et précise qui prend un bel accent minéral. Le Cahors Les Laquets 2011 lui, est issu d’un terroir calcaire et met au grand jour ce caractère pulpeux et intense du fruit, avec des nuances de cerise, de baies rouges rehaussés d’épices et de végétal. La bouche se distingue par des notes de cassis et de mûre, les tannins sont frais, onctueux et veloutés. Suave, riche et séveux en fin de bouche, il s’accordera à merveille avec un canard soit-il flambé ou confit. Un Grand Vin du Sud-Ouest !

 

Vous pensez que cette journée est finie ? Vous vous trompez car comme je vous le disais, l’équipe de l’Hôtel Krafft s’affaire pour mettre en place la salle du restaurant pour le repas ! Et nous y serons, avec les vignerons et quelques bouteilles exceptionnelles. Continuons le rêve, dans le commentaire suivant…

Stay tuned !

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