In Vino Veritas

Soirée 20 de janvier

Quoi de mieux qu’une pierrade entre amis pour ouvrir des bons canons ? C’est ce que nous avons fait en ce mois de janvier afin de poursuivre dans la lignée des festins de fin d’année ! Avec au programme : Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 2007, Mestre Père & Fils ; Château Pique-Perlou « La Sellerie » 2001, Minervois ; Savigny-lès-Beaune Les Planchots 2003, Loïs Dufouleur ; Tokay Pinot Gris Grand Cru Goldert Vendanges Tardives 2000, Clos Saint-Imer, Ernest Burn.

 

Dans la lignée de nos retrouvailles viniques mensuelles Lionel nous a proposé de faire le plein de protéines avec une pierrade bien généreuse. Comme à notre habitude chacun des convives a apporté une bouteille mystère que nous goûtons sans ordre particulier. Si vous êtes adeptes des dégustations à l’aveugle vous avez certainement déjà eu le souci de l’ordre de service des vins, à part si l’un des participants fait le sacrifice de placer les bouteilles dans l’ordre de dégustation… Ce qui est relativement fascinant avec le service à l’aveugle sans sélection préalable, c’est que l’ordre des vins se fait plutôt naturellement sans que personne n’ait besoin d’intervenir. Le hasard, la chance, ou tout simplement l’action divine de Dionysos, qui sait !

Toujours est-il qu’avec 4 bouteilles aujourd’hui, le problème ne se pose pas vraiment. Lionel ouvrira le bal avec un vin blanc sec, avant que Sébastien et Yannick ne s’alignent sur quelques indices à propos des deux vins rouges. Enfin je terminerai la séance avec un blanc liquoreux. Jusque-là, rien de bien sorcier. Nous débutons donc avec le Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 2007 du Domaine Mestre & Fils. Ce cru au nom loufoque est un des coteaux les plus en altitude du village (environ 320m d’altitude) et est exploité en monopole par la famille Mestre. Issu de vignes d’environ 40 ans ce vin est plutôt rare (environ 1500 bouteilles par an en moyenne). Il offre une robe or assez prononcée mais avec une belle brillance. Le nez paraît évolué, sur des notes dignes d’un Savagnin (miel, noix fraîche, balsamique). La bouche, veloutée en attaque, reprend ces notes atypiques de chocolat blanc et de miel. Le gras de l’ensemble, bien présent, est cependant soutenu par une acidité sapide qui prolonge une fin de bouche plutôt sudiste mais persistante. La structure est vin est là : droite, d’abord puissante puis acidulée ; seulement l’aromatique surprend légèrement et donne des soupçons d’oxydation prématurée (premox comme on dit). Ce Tonton Marcel est un vin atypique et taillé pour la garde, déjà le 1996 m’avait plutôt interpellé lors de ma dernière dégustation il y a quelques années (voir par ailleurs).

L’heure est au repas et c’est avec une certaine hâte que nous attaquons cette pierrade en compagnie de deux vins rouges. Après le 1999 et le millésime 2000 dégustés il y a bien longtemps, nous voici en présence du Château Pique-Perlou « La Sellerie » 2001, Minervois. Alors qu’il approche 15 ans de garde, ce vin saura-t-il restituer la gourmandise et la puissance qui font habituellement sa force ? Sébastien est un acheteur régulier au domaine et nous avait fait l’honneur de sa dernière bouteille de ce millésime pour accompagner les multiples nuances viandées de notre repas… Alors que nous plongeons notre nez dans le verre, nous ressentons tous que cette Sellerie a été piquée par un léger goût de bouchon. Mais le cuir, les notes animales et de transpiration témoignent de l’évolution de ce Minervois. Le fruité a été absorbé, la matière est en retrait au palais et la bouche souffre d’un excès d’alcool qui crée un déséquilibre. Lionel nous confiera plus tard que le vin avait bénéficié d’une nuit d’aération pour se révéler au mieux le lendemain… Mais malheureusement, nous étions déjà repartis ! Dommage.

Face à lui le fameux Savigny-lès-Beaune Les Planchots 2003 de Loïs Dufouleur qui nous avait tant enchantés lors d’une des premières Soirées 20 il y a maintenant presque 4 ans (voir ici). Déjà là nous avions été bluffés par la fraîcheur et le croquant de ce vin qui sortait du lot, surtout dans le contexte de ce millésime caniculaire. Cela faisait quelques mois que je provoquais Yannick pour qu’il nous fasse profiter de la dernière bouteille de ce vin tiré à peine à 1776 cols ! Chose faite en cette soirée où il n’aura pas déçu : son nez discret, profond et complexe mêle le fruit rouge et les épices douces alliés à une fraîcheur et une élégance distinguées. Son expression en bouche se fait sur la maturité, l’orange chaude, les épices et le clou de girofle. L’acidité est modérée et c’est plutôt la gourmandise finement sucrée des tannins qui ressort en définitive (fraise mûre, bonbon). Subtil mais superbe, ce vin restera un souvenir original qui nous a offert un court instant une autre image de la Bourgogne. Merci !

Nous terminons cette séance avec une galette des rois des plus goûtues car sa pâte d’amande généreuse est couverte d’une pâte beurrée prête à affoler tous les compteurs ! Le Tokay Pinot Gris Grand Cru Goldert Vendanges Tardives 2000 d’Ernest Burn provient des pentes raides du Clos Saint-Imer à Gueberschwihr. Ce cru très ensoleillé produit souvent des vins très exotiques aux maturités idéales qui conviennent en particulier au Gewurztraminer et au Pinot Gris. Cette vendange tardive propose déjà une robe ambrée particulièrement brillante. Son nez de sucre roux, de pâte de fruits et de coing évolue sur des notes de citron confit et de miel. Sa fraîcheur est tout à fait spéciale. En bouche la liqueur est tout aussi fraîche et rappelle que le Goldert est certes bien exposé mais aussi situé à une altitude qui confère au vin toute cette fraîcheur. A la fois puissant et amer, il développe en finale des touches de quinine et de cannelle très appréciables. Ce vin devrait être un peu plus long pour prétendre être parfait, il se montre toutefois très harmonieux et bien fait.

 

En somme après avoir eu affaire à deux bouteilles curieuses pour ne pas dire déviantes, nous avons pu corriger le tir avec deux vins à l’originalité toute particulière. Au final nos mines sont bien joyeuses et expriment au mieux toute la convivialité que procure le partage de bon vin !

In vino veritas

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