In Vino Veritas

Une Soirée 20 chez les Ibères

Ce thème original concocté par Sébastien nous a fait partir à la conquète de l’immense royaume ibérique en l’espace d’une Soirée 20. Même à travers des contrées que nul n’aurait soupçonné comme la Franche-Comté par exemple… Et oui, la Franche-Comté fut ibérique ! Bref voici le programme : Vin de Pays de Franche-Comté Chardonnay Vieilles Vignes 2010, Domaine Guillaume ; Ribeiro « The Flower and the Bee » 2011, Bodegas Coto de Gomariz ; Malbec 2011, Finca Lalande, Tupungato Valley – Mendoza ; Castillo del Diablo Cabernet Sauvignon 2012, Concha y Toro ; Rioja Lealtanza Artistas Españoles Miró Reserva 2001, Bodegas Altanza ; Montila Moriles Don PX Reserva 1983, Bodegas Toro Albala.

 

En cette fin d’année les dégustations se suivent et ne se ressemblent pas. En tous cas cette soirée que nous avons passée récemment chez Sébastien nous a bien réchauffé le coeur alors que le temps se grise et la neige n’attend plus que quelques gelées pour tomber. Voilà que notre hôte nous annonce une soirée ibérique. Cela pourrait sembler réducteur de prime abord car elle se limiterait à une série de vins espagnols. Et bien pas du tout car en ressassant les livres d’Histoire, on se souviendra que les ibères se sont étendus à d’autres contrées : par exemple le Chili, la Californie, le Sud de l’Italie, la Sardaigne et la Sicile ainsi que certaines régions de France. Bien inspirés ces ibères me direz vous car ses régions recèlent de beaux vignobles…

Loin de penser que le premier vin proposé par Sébastien ne saurait coller au thème, nous nous lançons à la découverte d’un Chardonnay de grande classe, le Vin de Pays de Franche-Comté « Vieilles Vignes » 2010 du Vignoble Guillaume à Charcenne en Haute-Saône. En premier lieu on pourrait s’étonner que cette région ne produise du vin, mais comment ne pas s’interroger sur le lien entre le royaume ibère et la Franche-Comté !? Et bien figurez vous que les rois d’Espagne, sous la dynastie des Habsbourg, ont soumis cette région malgré les tentatives de défense sous Louis XIII. Ce ne sera qu’après le traité de Nimègue en 1678, qui conclut la guerre de Hollande et voit la victoire de Louis XIV sur le reste de l’Europe occidentale, que la Franche-Comté ne deviendra française pour de bon… Passée cette parenthèse historique nous nous attaquons à ce vin d’une belle couleur or dorée. Son nez exprime une maturité resplendissante faite de miel, de fruit jaune mûr qui tend sur des notes de pâte de fruits (coing, pêche). La bouche se montre capiteuse, riche et bien arrondie par l’élevage. Sa maturité presque caniculaire est assagie par une fraîcheur remarquable, ce qui le rend extrêmement buvable. D’ailleurs Lio n’en aura eu qu’une petite lichette… Le vin de la soirée ! Et un rapport qualité-prix incroyable ! Bravo !

Le deuxième vin nous emmène directement en Galice et plus précisément dans l’appellation Ribeiro avec « The Flower and the Bee » 2011 des Bodegas Coto de Gomariz. Composé à 100% de Treixadura, un cépage endémique, il dévoile un nez parfumé de fleurs blanches, de litchi et de rose. Plutôt bien fait en bouche, avec un volume plutôt généreux et bien équilibré il finit sur des notes un peu amères malgré une pointe persistante de quinine.

L’origine du vin suivant pose des doutes car l’Argentine dans son ensemble n’a jamais vraiment été sous le joug de l’Espagne. Cependant la ville de Mendoza, qui ouvre sur la Vallée du Tupungato, a été fondé par les espagnols dès 1561. C’est de cette province que provient le Malbec 2011 de Finca Lalande apporté par Benoit. Ses notes de griotte, de mûre et de cuir évoluent sur le caramel et le coulis de fruits rouges. Très méridional, rond et friand, il s’ouvre au palais avec concentration et impose toute sa puissance. Les épices sont présentes, le tout évolue sur la mûre et la réglisse en fin de bouche. Très agréable à boire malgré une grande puissance, il sait rester frais.
Il est très vite concurrencé par un autre représentant d’Amérique Latine à savoir le Castillo del Diablo Cabernet Sauvignon 2012 de Concha y Toro, un des plus grands domaines du Chili. La mûre, la réglisse rappellent le vin précédent, le tout s’exprime avec élégance avant qu’une pointe végétale et mentholée ne trahisse le cépage ! Néanmoins ce vin joue dans l’élégance et ne prend jamais cette évolution amère d’un Cabernet Sauvignon manquant de maturité. L’élégance se traduit par la finesse et le velouté des tannins. La finale prend des accents de cacao, de réglisse et conclut dans la justesse et la gourmandise. Bel équilibre et rapport qualité-prix imbattable pour ce vin couronné en 2005 comme le meilleur au monde selon Decanter, merci Yannick !

Vous vous souvenez peut-être d’un vin qui avait illuminé un de mes dimanches midi il y a quelques années, le Rioja Lealtanza Artistas Españoles Miró Reserva 2001 des Bodegas Altanza (voir par ailleurs). Ouvert ce soir en honneur pour nos amis ibères, il propose des notes tertiaires de « chaussette mouillée et d’âne du Poitou » (sic) puis s’ouvre sur le pruneau, le cuir et la réglisse. Pénétrant et aérien, il est porté par un boisé fin. Enrobé au palais, il propose une panoplie de fruit mûr, de pruneau ainsi qu’une énergie sanguine et fraîche. Ses tannins se sont résolus avec l’âge, son esprit est devenu plus bourguignon, en somme ce Rioja s’est assagi et a atteint son plateau de maturité. Et je pense qu’il y a restera pour de nombreuses années encore car ce vin en a le corps et l’esprit !

 

Afin d’accompagner la fin de repas Lionel nous a apporté une surprise, gracieusement offerte par notre ami caviste, Fabrice, du magasin Au Monde du Vin à Saint-Louis : Montila Moriles Don PX Reserva 1983, Bodegas Toro Albala. Ce vin (enfin si on peut le nommer ainsi) a souvent provoqué de multiples émotions, que ce soit dans le 1979 ou encore sur le millésime 1947 que nous avons eu la chance de déguster en 2009. Sa robe brune et grasse est digne des huiles de moteur les plus performantes ! Son nez extrêmement mûr dévoile tour à tour la figue, le pruneau, le caramel sucré et le rancio. Du fruit, de la matière et une puissance incroyable ! Sa texture de bouche est très liquoreuse, dommage que nous n’ayons pas eu la chance de l’accompagner avec un Stilton ou un Roquefort… Sa complexité est le fruit des âges : sucre roux, figue, café, même liqueur de café, il se termine certes avec puissance mais aussi sur des belles notes de zeste d’orange. Une fois dans le verre il lui faut quelques minutes pour s’assagir mais après on comprend son excitation après près de 30 ans d’emprisonnement ! Encore une fois c’est un souvenir chaleureux et original, merci Fabrice ! Ce Don PX est dans le lignée des grands Pedro Jimenez et des soirées 20 que nous partageons entre amis !

In vino veritas

Quitter la version mobile