In Vino Veritas

Champagne Prestige !

Les fêtes de fin d’année approchent et nous voici déjà gâtés par le Père Noël ! La soirée Prestige annuelle de la FCVF a eu lieu cette semaine avec le thème Champagne. Plusieurs grands noms se sont invités à notre table : Roederer, Billecart Salmon, Ruinart, Jacquesson, Bolliger, Krug, Pol Roger, avec quelques autres outsiders et même un intrus qui a mis à mal le renommé Cristal Roederer 2005…

C’est la soirée à ne pas manquer ! Celle où la Férération Culturelle des Vins de France (FCVF) met les petits plats dans les grands pour parachever une année entière de dégustations. Le thème Prestige de cette année a choisi une région viticole où beaucoup de maisons (vignerons et négociants) produisent des cuvées du même nom à côté de simples cuvées non millésimées issues d’assemblages de vieux vins de réserve. Nous avons donc rendez-vous dans la salle de dégustation du Restaurant La Closerie. Un repas spécialement préparé pour l’occasion a accompagné la dégustation, tout comme 2 vins mystère apportés par deux généreux donateurs.

Yann, digne de son statut de G.O., nous a généreusement offert une mise en bouche de Prestige avec le Champagne « Femme de Champagne » 2000 de la maison Duval-Leroy. De couleur or clair aux bulles très fines, il libère des notes complexes de fleurs et de fruits blancs rehaussés de fines notes vanillées et briochées. La bouche est harmonieuse, les 4g de dosage sont très bien intégrés. Fraîche et dense à la fois, elle se prolonge longuement dans une finale portée par des notes de céréales. Grand équilibre et superbe longueur, cette bouteille a la classe des cuvées de Prestige même si elle n’a pas la persistance d’un grand millésime… Constitué à 95% de Chardonnay et dégorgé en 2010, ce Champagne a sa place dans cette série, même si je ne le mettrais pas au début. En effet il est bien meilleur que d’autres vins qui viendront (110.00€) ! IVV : 91/100.

La deuxième bouteille mystère est offerte par Christian. Malheureusement pour moi la surprise fut gâchée au moment où j’ai vu le haut de la collerette… Le Champagne « Prélude » Grands Crus de la maison Taittinger est la dernière marche de la gamme de la maison avant les cuvées de Prestige dont les fameux Comtes de Champagne. Composé pour moitié de Chardonnay et pour moitié de Pinot Noir, cette cuvée de Grands Crus a déjà été commentée sur ce blog il y a deux ans où elle avait impressionnée (voir ici). Cette fois-ci je l’ai trouvée un peu en deçà de son niveau. Son nez variétal cache encore un élevage bien présent et aurait pu bénéficier d’un coup de carafe rapide. Néanmoins ce vin a cette vivacité que lui apportent ces fines notes d’agrumes et de minéral. La bouche est très agréable et toujours aussi vive, le palais est gras et la finale sapide. Je trouve qu’il est très Pinot Noir sur ce coup-là mais c’est assurément une belle bouteille (45.00€). IVV : 88/100.

Après ces deux mises en bouche de choix, nous entrons dasn le thème principal de la soirée avec le seul Champagne de vigneron sélectionné. Accompagnant une trilogie d’huîtres farcies excellente, le Champagne « Fidèle » du Domaine Vouette et Sorbée (à Buxières sur Arce  dans l’Aude) est un Extra Brut titrant 6g/L de sucre. Ce 100% Pinot Noir cultivé en culture biodynamique dévoile une robe or pâle brillante aux reflets saumonés magnifiques. Son nez est aérien, sur des notes épicées et le fruit blanc (poire mûre, pomme fraîche). L’attaque en bouche est elle aussi aérienne et vive. Les arômes de pomme granny sont rehaussés par le caramel et la poire. L’acidité est marquée et, portée par une bulle active, tranche avec l’opulence au palais. La finale est saline et de ce fait rafraîchissante. Le vigneron Bertrand Gautherot a produit un vin majoritairement issu de raisins de l’année, avec seulement 3 à 5% de vins de réserve. Vin bien construit mais pas donné point de vue tarif (49.00€). IVV : 82/100.

Nous avons ensuite à faire à une série de battles, c’est à dire des confrontations de deux vins à chaque fois. Et autant dire que cette confrontation paraît des plus inégales sur le papier : le Crémant d’Alsace 2008 de Jean-Pierre Frick contre le Champagne « Cristal » 2005 de la maison Louis Roederer à Reims ! Audacieux de la part de l’organisateur, il permet de rappeler les origines alsaciennes de Louis Roederer et lui opposer un vin de la région. Le Crémant d’Alsace 2008 de Jean-Pierre Frick dévoile une couleur or avec de nombreuses bulles fines et vives. Au nez se succèdent la framboise, le litchi, les agrumes, les fleurs. La bulle est bien intégrée, la trame du vin est ronde et riche en arômes même s’il lui faudrait encore un peu de temps pour se faire. 100% Pinot auxerrois, ce vin offre un excellent rapport qualité-prix (13.30€). IVV : 85/100.

Que dire à côté du Champagne « Cristal » 2005 de la Maison Louis Roederer !? J’ai déjà eu la chance de goûter le millésime Cristal 2002 il y a deux ans et je lui avais réservé un bien meilleur jugement qu’à ce vin-ci. Car pour être honnête, il ne vaut guère plus que le Crémant dégusté juste auparavant… Beaucoup de réduction dès le premier nez , il ne subjugera pas non plus en bouche car il n’a pas la matière pour le porter tout au long de la bouche et laisser une impression fraîche en finale. C’est une déception pour la majorité d’entre nous même si je suppose que ce Champagne est encore très jeune. Pourtant il ne m’a pas impressionné, même à ce stade de son évolution. En revanche son prix, lui, m’a vraiment impressionné (158.00€), soit une caisse de 12 bouteilles du vin précédent ! IVV : 84+/100.

La deuxième bataille suit et met aux prises deux Champagnes rosés de gros calibre… Evidemment je dis celà maintenant car tous les vins furent dégustés à l’aveugle. Le Champagne Billecart Salmon Brut Rosé  est souvent reconnu pour être une des références dans cette couleur : j’ai même un ami qui me dit souvent que Billecart Rosé, et à fortiori la rare cuvée rosé Elisabeth Salmon, ne se boivent que dans le nombril d’une femme ! C’est dire ! Assemblé à 40% de Chardonnay, 30% de Pinot Noir et 30% de Pinot Meunier, cette cuvée sans année arbore une robe rose pâle aux reflets dorés. Son nez apparaît plutôt doux avec des notes de gourmandes de fruits rouges (fraise), de sucre de canne et de chocolat. L’attaque en bouche se montre élégante et évolue dans un registre gourmand et rond. La vivacité initiale au palais laisse place à un élan de vinosité et d’amplitude. Equilibré jusqu’en finale, il se prolonge chaleureusement sur les baies rouges et cette belle note de framboise. Je le vois bien sur des biscuits roses de Reims… mais je dois dire qu’il accompagne très bien le dos de Bar rôti (49.00€). IVV : 90/100. Face à lui, le prestigieux Champagne Dom Ruinart Brut rosé 1998 ne se laisse pas intimider ! Son habit rose lumineux reflète sur des nuances dorées. Son nez transmet d’emblée l’élégance et la finesse de cet assemblage à dominante Chardonnay (85% complété pour le reste de Pinot Noir) : les fruits rouges sont mêlés au pamplemousse, à la mirabelle et à la prune. Viennent ensuite de fines notes florales qui couronnent le tout. Passée une attaque vive et enrobée, ce vin glisse sur le palais avec une assurance de Seigneur. Précis, délicat et d’une grande finesse, il est tout simplement sublime. La finale complète le tableau grâce à des superbes amers (quinine, zeste de pamplemousse) qui prolongent ce vin pendant de longues secondes. C’est franchement top ! Grand vin de gastronomie, ce Champagne est pour moi un des meilleurs de la soirée (198.00€). IVV : 95/100.

Difficile de se dire qu’il y aura mieux que ce rosé ce soir. Et c’est alors que sont alignés deux Champagnes du grand millésime 2002 ! Dernier grand millésime en date dans la région, cette année a bénéficié d’une arrière-saison ensoleillée qui a donné des raisins en quantité importante mais aussi des vins d’une incroyable qualité. Nous débutons avec le Champagne Jacquesson Brut 2002 qui dévoile une robe d’un jaune paille classique aux fines bulles. Le nez est complexe, profond et noble : les fruits jaunes, le menthol et la cire se succèdent. En bouche il brille par toute sa puissance et sa droiture. Le fruit est mûr, la touche solaire accentue les arômes de poire et de pomme. Malgré cette belle intensité, ce Champagne reste fin et bien tendu en finale. Très bon (64.00€). IVV : 89/100. Le Champagne Bollinger Grande Année Brut 2002 lui est encore supérieur ! Personnellement j’adore les Champagnes de cette célèbre maison car ils savent allier puissance et onctuosité, vinosité et élégance. Celui-ci se cache de prime abord mais il n’empêche qu’il brille déjà de par sa noblesse et sa profondeur olfactive. J’ai souvent entendu dire que ce sont les grands vins qui ne se donnent pas aussi facilement, alors voyons voir… La bouche est franchement sublime : la matière et le gras sont représentés par des notes beurrées et compotées. Le style est vineux mais tranché par une superbe vivacité qui procure cette sensation d’extrême harmonie. On retrouve le caractère d’un grand millésime, allié à la force du Pinot Noir (60%) dans cette finale profonde et longue. Superbe Champagne (85.00€) ! IVV : 92+/100.

Nous terminons par deux Champagnes dits de méditation. C’est la première fois que je fonds pour la Grande Cuvée de la maison Krug ! J’ai pourtant goûté ce Champagne auparavant mais sans vraiment être conquis (en raison peut-être la provenance de la bouteille…). Cette fois-ci, franchement, on entre dans la cour des grands. Et dire que cette cuvée est l’entrée de gamme des vins du domaine… Mais ô combien complexe et riche de par ses origines car cette cuvée est constitué de 50 à 60 vins différents issus de 20 à 30 différents vignobles de la Montagne de Reims sur environ 8 à 10 années ! Ce Champagne est à dominante Pinot Noir avec un nez encore fermé et discret (cf. ma remarque sur le vin précédent…). S’en extraient après quelques temps des arômes grillés, d’abricot et de tilleul. La bouche s’ouvre sur une note fumée / cendrée puis gagne très vite en vinosité et en amplitude. Les notes de citron confit, d’agrumes, d’encens, de miel soulignent toute la complexité et la  grande classe du bouquet. D’autant plus que ce grand vin se caractérise surtout par sa finesse et sa persistance grâce à une acidité qui rappelle une lame de rasoir. D’une longueur folle, ce Champagne est digne de son nom ! D’ailleurs Christian et moi n’ont pas longtemps hésité avant de trouver ce style si singulier qui fait toute la renommée de cette légendaire maison de Champagne. C’est cher, mais franchement, ça vaut le coup (210.00€) ! IVV : 93+/100.

Pour finir cette série de 11 Champagnes, nous avons droit à une cuvée pointue, une cuvée de connaissseurs avec le Champagne Pol Roger Winston Churchill Brut 1999. Issu uniquement de vignes classées en Grand Cru et à dominante Pinot Noir, il présente des  bulles très fines dans le verre. Son nez puissant est marqué par le citron confit et des notes empryreumatiques, signe d’un élevage des vins de base en barriques. Par rapport aux deux vins précédents, l’on sent que ce vin est déjà prêt à boire après 11 ans de vieillissement sur lattes. La bouche est ample et très dynamique grâce à une bulle délicate. Il délivre une grande plénitude au palais mais pour moi, la marque de ce Champagne est sa finale digne des plus grands cigares : miel, épices, encens. Les notes réglissées accentuent cette sensation de sapidité pour une finale de rêve ! Grande émotion pour ce Champagne de Prestige (175.00€). IVV : 95/100.

 

Je n’ai personnellement encore jamais eu le privilège d’aligner autant de grands Champagnes lors d’une seule et même dégustation ! Après cette soirée, où certains non-amateurs de Champagne ont dû s’incliner devant la beauté des plus grands vins de cette région, je vais dédier mes félicitations à Dom Ruinart rosé 1998, à Bollinger Grande Année 2002, à Krug Grand Cuvée ou encore à ce fabuleux Pol Roger Winston Churchill 1999. Il me tarde de regoûter Cristal Roederer 2005 dans 10 ans pour me faire un jugement définitif mais en attendant, je ne suis pas le seul à m’être pris un coup sur la tête en le dégustant. C’est là aussi l’intérêt de ces Dégustations de Prestige !

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