In Vino Veritas

Des vins, des femmes et des hommes

Henner est le marchand de vin le plus complet de Mulhouse. Il est aussi à l’origine d’un salon des vins annuel où se croisent une multitude de vignerons et de producteurs de France et d’ailleurs. A cette occasion de cette manifestation, Lio m’accompagne pour déguster les vins de plusieurs grands domaines, parmi lesquels le Château de la Tour des Gendres représenté par Luc de Conti, le Domaine Pierre Gaillard, le Domaine d’E Croce avec à sa tête Yves Leccia, le Domaine du Vieux Télégraphe ou encore le Domaine Borie la Vitarèle. Avec en prime une énorme découverte…


Le Salon des vins du Marchand de Vin Henner (NR) proposait sa 6ème édition le week-end dernier. Pour l’occasion, nous nous rendons avec Lio à la belle salle de l’Espace Dollfus et Noack de Sausheim pour partir à la rencontre de plusieurs domaines célèbres de la France viticole. Comme d’habitude, il convient de bien structurer l’ordre de dégustation c’est pourquoi nous commençons par les blancs. Je ne m’attarde pas vraiment sur les Champagnes de la maison Larmandier-Bernier qui n’ont pas vraiment éveillé notre intérêt car dotés d’une effervescence trop présente et manquant quelque peu d’originalité. Par contre les prix pratiqués ne manquaient eux pas d’originalité car avec un Champagne Blancs de Blancs 1er Cru à 29.50€, je préfère largement le Champagne 1er Cru Les Vignes de Vrigny d’Egly-Ouriet que j’ai acheté au même prix.

Nous continuons par les vins du Domaine d’E Croce présentés par le placide Yves Leccia. Le VDP de l’île de Beauté « Cuvée YL » 2008 issu d’un assemblage d’Ugni blanc et de Vermentinu exhale un très beau nez de pêche blanche, de fleurs blanches avec une pointe minérale. La bouche est souple, légère et laisse une belle impression de fraîcheur à l’image d’un verre d’eau plate sortie du frigo. La finale est légèrement vanillée et riche en agrumes. Le Patrimonio 2008 (100% Vermentinu) offre une belle évolution plus profonde, plus complexe de fleurs blanches et d’épices. Le tout reste frais en bouche avec une plus grande dimension (gras, chaleur) et des belles notes d’herbes et d’épices. Enfin, le Muscat du Cap Corse 2008 est le vin de plaisir de la maison et nous ne pouvions y résister. D’une magnifique robe or paille brillante mise en valeur par la bouteille transparente, il dévoile une palette de fruits (pêche, mirabelle, abricot), d’agrumes, de miel tendant vers le fruit confit à l’aération. Souple, moelleux en bouche, il enchante de par son acidité qui supporte tout cet ensemble riche et fruité. La finale est plus ennivrante, plus alcooleuse et exige une pointe de fraîcheur supplémentaire.

Le passage par le stand de Luc de Conti restera un grand souvenir. Lui l’humble vigneron du Sud-Ouest qui communique ouvertement son engagement pour une viticulture recherchant l’équilibre de la vigne et de l’écosystème, l’absence totale de stress afin d’en restituer la quintessence. Aucune démarche sectaire, aucune langue de bois, nous avons eu un échange vrai, franc en prélude d’une dégustation exceptionnelle. Nous débutons par le Château Tour des Gendres Cuvée des Conti 2008, Bergerac composé de Sémillon (80%), de Sauvignon et de Muscadelle. Comme on se retrouve… Eh oui car je me souviens de ce magnifique (petit) vin découvert pour la première fois à l’Auberge de l’Ill voici 2 ans (voir par ailleurs). L’aromatique de ce vin vient de la grande proportion de Sémillon ainsi qu’une belle rondeur. La pêche et les fleurs blanches et les herbes se font discrètes et c’est avant tout l’élégance de ce vin qui surprend associée à une fine acidité. Le Chateau Tour des Gendres Moulin des Dames blanc 2008, Bergerac est un grand vin, d’une pureté et d’une grande minéralité. L’ampleur et l’impression générale que laissent ce vin sont remarquables si tant est qu’il n’y a rien à redire ! Fraîcheur, minéralité, ampleur et longueur, voici 4 mots pour caractériser l’excellence de ce Bergerac. Enfin, nous avons la chance de découvrir le Château Tour des Gendres Anthologia blanc 2007, Bergerac issu d’une petite parcelle d’1 ha exposée plein sud. A peine 3.000 bouteilles de ce vin signature ont été produites ; il dévoile un nez composé de fruits croquants, de fleurs blanches avec une magnifique pureté. La bouche est puissante, profonde, dotée d’un équilibre parfait avant que des arômes d’agrumes, de minéral et des notes salines n’accompagnent ce grand vin dans une finale in-ter-mi-nable ! Fabuleux !
En somme, trois vins de grande classe produits par un grand vigneron dont je partage les idées. Merci et bravo !

La star des vins rouges du week-end s’appelle le Domaine du Vieux Télégraphe. Avant de passer aux vins rouges, je demande à Corinne Estadieu de me servir le seul blanc de la série « pour me rincer la bouche » (sic). Et bien je peux vous assurer que le Clos de La Roquète 2008, Châteauneuf-du-Pape blanc, fait bien plus que ça ! Très raccoleur au nez, ensoleillé et minéral, il offre une grande puissance en bouche, sur des notes évoluées de céréales, de fruits blancs mûrs et de minéral. Cette véritable bombe est passée pour 75% en bois neuf et je peux vous garantir que tout ce bois est excellement intégré. Un réel plaisir actuellement. Le Domaine la Roquète 2007, Châteauneuf-du-Pape nous séduit également de par sa fraîcheur, sa pureté de fruit (cassis). Malgré sa densité et sa puissance, il glisse en bouche avec assurance et une belle complexité (fruits noirs, garrigue). La finale est longue, chaleureuse et laisse une belle impression générale empreinte d’élégance. Le Domaine du Vieux Télégraphe 2007, Châteauneuf-du-Pape, composé à 65% de Grenache, est beaucoup plus brut. Légèrement oxydatif et abondant de fruits noirs, d’épices et de réglisse, il expose toute sa puissance et son corps d’athlète impressionner le dégustateur. Mais une fois de plus, ce magnifique millésime 2007 lui procure son équivalent de fraîcheur et d’équilibre. Comme toujours, Vieux-Télégraphe impressionne !

A retenir aussi en Vallée du Rhône, le Domaine Pierre Gaillard nous a offert du bon et du moins bon. Tout d’abord, je ne comprends pas la philosophie du Saint-Joseph « Les Pierres » 2007. Ce 100% Syrah est complètement bouffé par le bois et manque relativement de pureté et de typicité. Certes il est rond, aux tannins fondus et plutôt équilibré mais comment peut-on appeler un vin « Les Pierres » sans aucun clin d’oeil au terroir qui l’a vu naître ? Comment va réagir le consommateur qui prendra ce vin dans un rayon ou sur une carte de restaurant ? Pour moi, on devrait plutôt l’appeler Saint-Joseph « Les Tonneaux » ! La bonne surprise vient du Cornas 2007 qui est seulement le deuxième millésime vinifié par Pierre Gaillard à partir de vieilles vignes. Il offre un ensemble racé, complet avec des notes de fruits rouges et d’herbes qui étonne de par son harmonie et sa longueur en bouche. Bien vu ! Il est à mon avis bien meilleur que la Côte-Rôtie 2007 certes très séduisante et fine au nez mais manquant de distinction et de pureté en bouche et jouant sur des notes plus confiturées, plus mûres.

En Languedoc, le Domaine Borie La Vitarèle est une confirmation ! Le Saint-Chinian Les Terres Blanches 2008 est chaleureux, sur les fruits noirs, la cendre et plutôt gouleyant en bouche avec des tannins lisses et une belle acidité. La finale est peut-être un peu courte. La possibilité nous est donnée de goûter Le Saint-Chinian Les Schistes dans le millésime 2007 et 2008 brut de cuve. Toujours très gourmand, frais, le 2007 se distingue de par sa maturité de fruit et des notes chocolatées. Très accessible aujourd’hui, il sera eclipsé par le 2008 qui est une réelle surprise ! Pur, sur le fruit frais (cassis, mûre), il développe plus ce côté minéral, frais en plus de la puissance qui le caractérise. La finale est vive, toujours sur les fruits noirs, on en redemande ! Un vin superbe ! Enfin, Le Saint-Chinian Les Crès 2007 tire son nom de son terroir similaire à la Crau (Châteauneuf-du Pape). Les galets roulés restituent la chaleur, la puissance et le côté entêtant à ce vin composé à 70% de Syrah et à 30% de Mourvèdre. D’ailleurs l’on retrouve cet aspect cacaoté en plus du fruit noir en bouche. Franchement, tous les vins de ce domaine se sont distingués et méritent un intérêt tout particulier avec une mention spéciale aux Schistes 2008. A réserver d’urgence !

Enfin, avant de partir nous avons aussi pu goûter un très beau moelleux avec le Côteaux de l’Aubance Les Trois Schistes 2007, Domaine de Montgilet. Cette petite appellation qui évolue dans l’ombre des Côteaux du Layon est très peu connue, d’ailleurs il s’agit de mon premier Côteaux de l’Aubance. Cette sélection de grains nobles (21° de potentiel, 157g/L de sucres résiduels) est sirupeuse au palais mais offre une excellente acidité/minéralité dûe aux sol schisteux et au travail des sols nous annonce le vigneron. En résulte un liquoreux très noble aux notes de coing, de miel et de pâte de fruits aux accents d’orange en finale. Très bien.
En prélude, je vous parlais d’une grande découverte avec la dégustation de deux grands vins espagnols de la Bodega Toro Albala située dans la province de Cordoue (Cordoba) en Andalousie, sous l’appellation Montilla-Moriles. Le Don PX Reserva 1979, Montilla-Moriles est un grand vin muté, d’une belle couleur acajou aux reflets clairs, aux notes complexes de confiture de figue, de pruneau, de vanille, de banane, de tabac blond et tant d’autres choses. La bouche est d’une souplesse remarquable, avec une texture sirupeuse agréable, aucunement pâteuse et gorgée de soleil. Sa complexité étonne mais caractérise en même temps son long passage en fûts de chêne américains. En finale, toujours cette douceur et aucune amertume comme on en trouve quelques fois dans quelques vins mutés français. L’aboutissement du Pedro Ximenez (d’où l’estampille PX sur l’étiquette) vient avec le Le Don PX Marques de Poley 1947, Montilla-Moriles ! Déjà la robe acajou foncé impose le respect tout comme ses larmes d’éléphant. J’aurais pu passer des heures à humer ses arômes si complexes parmi lesquels les fruits confits (figue, prune, banane, vanille), la canne à sucre, le chocolat, le café avec une évolution sur le cigare et la terre. Goûter à un vin de plus de 60 ans si exclusif (180 bouteilles produites) est si rare que l’émotion nous gagne. Tout y est perfection : la complexité des arômes, la liqueur, la souplesse, l’équilibre, une longueur en bouche et une persistance infinies. C’est assurément un grand moment en plus d’être une grande découverte ! Merci !

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