In Vino Veritas

Deux étoiles

Compte-rendu d’un repas de classe à la Fourchette des Ducs à Obernai, au cours duquel les plaisirs gustatifs se sont mariés aux doux parfums de quelques belles bouteilles : Viré-Clessé Tradition J. Thévenet 2004, Domaine de la Bongran ; Chassagne-Montrachet Vieille Vigne rouge 2010, Bernard Moreau.

Les journées d’automne voient le retour de conditions idéales à la dégustation. Lors d’un superbe dimanche, nous prenons la route pour le Bas-Rhin et la belle petite ville d’Obernai. Celà faisait longtemps que je voulais goûter à la Fourchette des Ducs, table renommée d’Alsace et de France. Nichée dans une grande maison alsacienne construite par Ettore Bugatti il y a près d’un siècle tout près de la gare, cette adresse porte le nom d’une amie des lieux, à savoir Anne-Sophie Pic. Nous sommes reçus très chalereusement par les maîtres des lieux, Nicolas Stamm et Serge Schaal.

Nous sommes installés au fond du salon d’hiver, tout près de la cheminée. L’ambiance traditionnelle mais très cosy des lieux invite à la convivialité. Nous ne tardons pas à goûter aux nombreux petits amuses-bouche, dont un excellent macaron saumon bergamote, accompagnés d’un Muscat d’Alsace 2010 de Frédéric Mochel. Souvent à la table des grands restaurants de la région, ce producteur nous offre un Muscat sur le fruit croquant et vif malgré une amertume un peu trop prononcée à mon goût. Le tout reste néanmoins plutôt agréable.

Nous choisissons à l’unanimité le Menu Essence du Terroir, présenté comme une cuisine classique et créative. En guise mise en bouche, une succulente galantine de saumon frais et homard a le mérite de nous éveiller le palais grâce à une association fraîche et riche en goût. Fana de saumon, Audrey se rue sur cette pré-entrée franchement réussie !

Le sommelier nous a rejoint entre temps pour composer les accords de notre Menu. Nous décidons d’aller pour un vin blanc puis un vin rouge. La carte des vins mérite le détour car elle offre plusieurs vins produits par de grands noms de la viticulture française comme par exemple Jean-François Coche-Dury ou encore de Jean-Louis Chave. J’ai secrètement hésité pour le premier des deux avant de succomber au choix original du sommelier pour Viré-Clessé Tradition J. Thévenet 2004 du Domaine de la Bongran. Nous commençons le repas par une fricassée de « Gros Gris de Cleurie », brunoise de pomme de terre à l’ail et émulsion de persil. Je pensais d’abord que nous allions recevoir des huîtres ! Mais me voilà rassuré quand je vois ces escargots des Vosges sur lesquels est versée une sauce finement épicée au persil. Nous portons le nez à ce Viré-Clessé, cette petite appellation du Mâconnais. Son nez riche exhale des notes évidentes de truffe blanche, de tilleul, de coeur d’artichaut et d’aubépine sur un fond de fruits jaunes mûrs (coing, mirabelle). Le sommelier nous avait évoqué le caractère exhubérant et changeant de ce vin  évolué et aux multiples facettes. L’attaque en bouche est grasse, son volume enveloppe le palais sur des touches de citron confit et de tilleul. Concentré, il a absorbé tout son volume de par son léger sucre résiduel (15g/L). L’accord sur les escargots est excellent, sa palette aromatique le rend intraitable en gastronomie.

La raviole de purée de potimarron à la truffe et beurre noisette est un peu trop grasse selon moi mais une fois encore le Viré-Clessé se comporte très bien. Atypique et puissant, il a très bien vieilli. Ce fut une découverte inédite, de par son appellation mais aussi son style de vinification particulier.

Le plat de grande classe vient ensuite avec le Chassagne-Montrachet Vieille Vigne rouge 2010 de Bernard Moreau. Ce carré d’agneau de France rôti, sa tarte fine de légumes et jus de thym est majestueux ! A la fois rosé et juteux, cette pièce est exécutée de manière tout simplement parfaite. Et que dire de cette fine tartelette de légumes. La pâte feuilletée craque finement et laisse s’exprimer la farandole de petits légumes frais. Je suis aux anges ! Le vin accompagne parfaitement ce plat de classe : son nez est gorgé de fruit mûr après une légère réduction poussiéreuse que l’on retrouve souvent dans ce format (37,5cL). La bouche est très fuitée en attaque (belle palette de fruits rouges). Sa colonne verticale rustique (poussière, terre mouillée) complète le tout. Il n’est pas souple mais il n’est pas droit non plus ! C’est tout simplement un beau compromis avec une acidité et un équilibre très bien dosés. La finale est longue et offre une belle amertume. Un vin réussi  pour un plat principal énorme.

Le Chassagne est frais et rempli de fruits, il est si facile à boire qu’il n’en reste même plus pour nous accompagner jusqu’au dessert. La crème au moka, ganache moelleuse au chocolat et épices est intense et plutôt complexe grâce à ce pot-pourri d’épices. D’ailleurs nous nous sommes tentés aux devinettes avant que le maître d’hôtel ne nous dévoile quelques secrets de fabrication… Nous finissons ce Menu avec les broutilles et chocolats, vous savez ces mignardises tellement appétissantes que tout amateur de dessert ne peut résister même le ventre bien rempli ! Madeleines, macarons, nougats : tout y est passé pour clôturer ce repas original et en tous points excellent. Par ailleurs le service fut aussi impeccable : l’équipe souriante et compétente complète le tableau, un tableau deux étoiles !

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