In Vino Veritas

Du vin, du pain et des copains

Résumé d’un nouveau volet de nos Soirées 20, tout en simplicité et en convivialité ce mois-ci. Nous nous rencontrés en fin de semaine chez notre ami Yannick pour une dégustation de charcuterie et de fromage autour de quelques bouteilles : Alsace Pinot Noir « Les Terres Rouges » 2013, Emile Boeckel ; Merlot « Lasón » 2012, Kellerei Kattern, Alto Adige ; Valais « Himbertscha » 2011, Chanton ; Maury Vintage blanc 2012, Mas Amiel ; Gewurztraminer Bergheim 2005, Marcel Deiss.

A l’heure où certains médecins annoncent le cancer à tous les amateurs de charcuterie, les retrouvailles chez Yannick pour une soirée des plus riches en cholestérol résonnent comme un joli pied de nez ! Avec une floppée de spécialités alsaciennes issues de la meilleure source du coin, nous nous en sommes donnés à coeur joie sur le presskopf, les multples saucisses ainsi que le filet mignon séché avant de terminer sur un plateau de fromages de maître Antony à Ferrette.

Quelques vins servis à l’aveugle ont bien sûr agrémenté les débats. Tout d’abord comment résister au premier vin de la soirée, personnellement le plus réussi de tous. Bien qu’issu du Grand Cru Zotzenberg à Mittelbergheim, l’Alsace Pinot Noir « Les Terres Rouges » 2012 d’Emile Boeckel n’a pas le droit à l’appellation Alsace Grand Cru. Pourtant ces vignes jouissent d’une excellente exposition et par-dessus tout d’un sous-sol propice à la production d’un grand vin rouge : ces « terres rouges » sont en fait des calcaires argileux riches en oxyde de fer qui siéent parfaitement au cépage Pinot Noir. Fameuses en Bourgogne, le temple du Pinot Noir, ces terres plus rares en Alsace sont de plus en plus plébiscitées par les meilleurs vignerons. Cet exemple est tout bonnement excellent, avec une belle couleur grenat soutenue puis une très belle expression fruitée. Le fruit rouge pulpeux et gourmand rappelle la cerise et la mûre sur un fond minéral frais. Friand au palais, il dévoile une fine trace d’élevage (fumé, charbon) qui ne gâche rien à son charme. Doté d’une finale chaleureuse, gourmande et ronde, il se place résolument dans le haut du pavé des vins rouges alsaciens, et heureusement pour nous amateurs, c’est encore un secret bien gardé…
Face à lui un vin surprise qui nous vient du Trentin (Italie), plus précisément de la région de l’Alto Adige, là où les italiens parlent l’allemand ! Carafé 3h plus tôt par notre hôte, le Merlot « Lasón » 2012 de la Kellerei Kaltern dévoile un nez profond mais discret de fruit noir très mûr et de réglisse, à tel point de nous dérouter volontiers vers des contrées plus méridionales. Pourtant l’ouverture sur le fruit noir et la terre mouillée aurait bel et bien pu nous guider. La bouche, de grande matière, sait rester fraîche. Des tannins métalliques et sombres ne basculent jamais dans l’austérité. Agréable, harmonieux, il brille par son excellent rapport qualité-prix.

Les vins blancs ont la mission d’accompagner un plateau de fromages composé de Comté, de Roquefort et de Munster. En guise d’amuse-bouche j’avais apporté une curiosité du nom de « Himbertscha » 2011 de la maison Chanton à Visp en Valais (Suisse). Unique au monde et fait à partir de ce cépage au nom curieux, croisement naturel entre l’Humagne blanche et une variété disparue de Muscat, ce vin évoque un nez prometteur et aromatique qui évolue constamment. D’abord minéral et discret, il s’ouvre ensuite sur la pêche de vigne, la mélisse, le miel de sapin et d’acacia, la cire, le tout arrondi par une fine note de noisette. Passée cette ouverture très parfumée, la bouche est un peu en retrait mais reste somme toute plutôt agréable. Bien polie, ronde et aux accents miellés, cette découverte valaisanne nous donne envie d’en savoir plus. Alors si vous êtes comme moi, allez découvrir les raretés de la maison Chanton…

J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à déguster le Maury Vintage blanc 2012 de Mas Amiel, que ce soit le soir-même, mais aussi et surtout tout au long de la semaine. Fait à 100% de Grenache Gris sur des sols schisteux si propices à la maturité fraîche des grands vins de Maury, il est élevé en cuve inox sur ses propres lies pendant 10 mois avec un mutage à l’alcool à mi-fermentation, histoire de stopper le bordel… Lors de son passage au domaine cet été, Lionel avait été si enthousiasmé par ce vin si pétrôleux qu’il pensait goûter un Riesling de nos contrées alsaciennes ! Il s’ouvre après de longues minutes sur des notes complexes de beurre salé, de fruit confit et de noix. Quelques jours plus tard viennent les fleurs blanches séchées et plein d’autres choses… La bouche se veut puissante avec une pointe d’alcool qui s’assagit avec le temps. Son moelleux très fin aime bien le Roquefort mais demanderait presque un foie gras : pour la prochaine fois, Yannick ! Bu sur une semaine après la soirée, il n’a pas faibli d’un iota : sa liqueur si bien intégrée m’a rappelé les fruits confits et des notes citronnées fraîches. Une très belle découverte.
Enfin nous terminons par une confirmation, celle que Jean-Michel Deiss produit de très grands vins de garde. Jugez plutôt avec un Gewurztraminer Bergheim 2005 qui, malgré 10 ans de bouteille, chante encore avec entrain ! Il s’agit pourtant d’un vin de cépage d’entrée de gamme qui n’est plus produit en tant que tel à ce jour. Sa robe or soutenue et brillante précède une nez intense de rose fanée, une fleur liquoreuse portée par un apparat de miel d’acacia et de poire. La bouche étonne par sa fraîcheur ainsi que par son aromatique primaire et juvénile. La cannelle, la poire, l’orange amère et les agrumes se combinent pour produire un ensemble de très bonne tenue. Sa finale harmonieuse, à la fois florale et minérale, conclut cet aperçu de tout le génie de la famille Deiss, père et fils… Encore une fois, bu sur 5 jours sans aucune ride, ce qui est impressionnant.

 

Cette nouvelle Soirée 20 nous a fait voyager à travers les cépages, les régions de France et au-delà. Je retiendrais la performance du Pinot Noir de Thomas Boeckel et vous conseille de découvrir sa gamme dès que possible… Pareillement deux beaux vins blancs étonnants de tenue et d’aromatique ont brillé sur une plateau de fromages un peu trop jeune pour les sublimer. Mais ne vous y trompez pas, le Comté de Maître Antony fut des plus divins ! Merci Nev, merci Yannick et à très vite pour la prochaine…

 

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