In Vino Veritas

Les Avinturiers à la chasse au trésor

Afin de couronner une année riche en émotions viniques et à l’approche des fêtes de Noël, les Avinturiers se sont donnés rendez-vous pour découvrir quelques trésors de la cave du restaurant Au Canon d’Or, notre QG dont nous sommes fiers ! Tour à tour pour accompagner un repas de fête, Marie-Laure et Gilles nous ont proposés à l’aveugle : Champagne Deutz Cuvée William Deutz 1971 magnum ; Riesling 1981, Domaine Windsbuhl ; Château Grillet 2002, Neyret-Gachet ; Château Calon-Ségur 1947 magnum, Grand Cru Classé de Saint-Estèphe ; Loupiac vers 1950, Calvet.

 

Après plus d’un an d’activité les Avinturiers ont déjà parcouru tant de vignobles et rencontré des vignerons passionnés au travers de dégustations mensuelles. Comme une sorte d’apothéose en cette fin d’année, nous nous sommes fait traiter comme des coqs en pâte à la table de Marie-Laure et Gilles Reeb au Restaurant Au Canon d’Or à Mulhouse. Non seulement c’est notre QG mais accessoirement aussi la plus belle cave de notre pays selon la Revue du Vin de France…

Afin de remercier nos hôtes pour leur accueil et leur passion du vin, quoi de mieux que de nous délecter de quelques raretés issues de la cave magnifique de ce restaurant. Nous pouvions nous douter que Gilles allait nous combler mais là, je peux vous dire qu’il a mis la barre très haute pour les échéances à venir. Evidemment il s’agissait de notre Dégustation Prestige et après avoir voyagé avec nous au cours des dégustations de l’année écoulée qui présentaient souvent des vins jeunes, Gilles s’est dit qu’il fallait nous faire découvrir la beauté des vins anciens.

Notre équipe s’installe à une table digne d’un repas de gala. Après avoir compté tous les membres parmi nous, sauf le pauvre Fabien qui a contracté une gastro fulgurante (…), nous nous délectons d’un Champagne Deutz Cuvée William Deutz 1971 servi en magnum. L’occasion est belle pour lever notre verre à la mémoire de notre ami vigneron Eric Rominger qui nous a quittés il y a quelques jours à l’âge de 50 ans. Eric, nous trinquons pour toi avec cette mise en bouche somptueuse que tu aurais certainement appréciée. Tout d’abord cette robe à la couleur miel et à la bulle encore très active pour un vin de plus de 40 ans ! Les superlatifs fusent pour caractériser la complexité du nez qui a besoin de quelques minutes pour s’épanouir pleinement : le miel, le champignon frais, l’évolution sur la noisette, le toasté et une pointe de noix précèdent une bouche chaleureuse et brillante telle un rayon de soleil qui nous illumine le palais. La poussière disparaît très vite pour laisser place au miel, à la poire et à la mirabelle. La finale est vaillante, grasse, sapide et d’une longueur incroyable avec une rétro-olfaction qui démultiplie encore la noisette, la poire et la pomme mûre. Ce Champagne n’est que classe et volupté, incroyable !

Nous poursuivons avec un vin rempli d’histoire servi sur un foie gras maison préparé de main de maître par le chef : le Riesling 1981 du Domaine Windsbuhl provient du vignoble aujourd’hui célèbre qui a été acheté par la famille Zind-Humbrecht au début des années 1980. D’après Gilles, il s’agit bel et bien de la dernière cuvée produite sous l’ère Meyer qui a, à ce titre décidé de laisser la vinification de ce millésime ainsi que sa mise en bouteille à Alsace Willm à Barr… Les discussions vont bon train devant la robe au doré prononcé et brillant de ce vin servi à l’aveugle. Son nez pétrolé suggère le Riesling sans hésitation avant que la roche calcaire ne donne une indication précise du terroir ; le citron apparaît en évolution. L’attaque vive et chargée d’une acidité mesurée permet de profiter pleinement de la finesse et de l’élégance qui donnent du relief à ce Windsbuhl. Dommage que la finale ne soit un peu en retrait. Nous hésitons longuement avant de donner notre langue au chat, personnellement j’avais opté pour un Riesling 1988 de la maison Kientzler… En somme une découverte, mais rien d’exceptionnel.

Avant de passer au plat principal Christian nous ouvre une bouteille qu’il nous a gracieusement offerte pour l’occasion. La robe de ce Château-Grillet 2002, qui appartenait à l’époque encore à la famille Neyret-Gachet avant d’être vendu à François Pinault, est tout simplement majestueuse et brillante. Le nez, profond, minéral et raffiné, a des airs d’Alsace avec des touches de fleurs blanches et d’ananas. L’attaque en bouche se veut fraîche même si encore légèrement marquée par l’élevage : ce côté lacté et levuré ressort en raison de la faible acidité du vin. Elle contraste avec le gras et la chaleur de ce Viognier parfumé qui exibe l’ananas, les herbes grillées ainsi que l’eucalyptus. Cet ensemble élégant et légèrement entêtant fait la part belle au Viognier avec une fine amertume de quinine en fin de bouche. Mais ce qui m’étonne le plus sur ce vin, c’est sa jeunesse malgré ses 12 ans de bouteille. Merci Christian !

Place maintenant au Seigneur de la soirée et non des moindres, le Château Calon-Ségur 1947, Grand Cru Classé de Saint-Estèphe aussi servi en magnum! D’emblée le nez provoque une émotion palpable dans l’assemblée : empreint de finesse et d’élégance il dévoile avec séduction des notes de cuir, de cire et de tabac avec une évolution juvénile sur le menthol et l’eucalyptus. C’est avant tout l’harmonie parfaite de ce nez qui interpelle. Puis nous voilà en présence d’un grand Bordeaux qui fait ses preuves en bouche avec des tannins de velours qui traduisent toute la finesse et la race de ce vin ! On peut imaginer la concentration de ce Saint-Estèphe dans ses jeunes années, puis la complexité qui s’est affirmée au fil des décennies. Désormais c’est la plénitude qui règne : ce Calon-Ségur nous emporte vers les étoiles avec sérénité. Voilà tout est là ! Grande émotion, grand témoignage pour ce vin d’Histoire. Magique !

Difficile de se relever après un tel coup de massue et la trace indélébile qu’a laissée le vin précédent. Nous terminons la soirée avec une dernière curiosité à savoir un Loupiac non millésimé mis en bouteille par la maison Calvet. La forme de la bouteille et le verre utilisé suggèrent un vin aux alentours des années 50 ou peut-être même plus vieux. Sa robe surprenante alterne un or mature à des reflets jaune fluo ! On sent très vite des notes souffrées assez prononcées qui laissent place peu à peu au zeste d’orange et au safran puis à l’évolution à des arômes de miel et de sirop d’érable. La bouche éblouissante et lumineuse alterne la maturité du fruit et une liqueur moyenne à des amers qui titillent le dégustateur (orange amère, quinine, zeste d’orange). Nous avons affaire à deux bouteilles qui sont bien différentes, la 1ère a été carafée et chante mieux que la 2è servie à la minute. Aussi il convient de préciser toute l’importance du bouchon sur ces bouteilles anciennes qui n’ont pas été rebouchées depuis l’origine…

 

En somme comment ne pas être ébloui devant la générosité de Marie-Laure et Gilles Reeb à l’occasion de cette Soirée Prestige : non seulement la qualité des plats servis tout au long du repas, mais aussi et surtout la beauté préservée de ces flacons qui nous tous contés leur part d’Histoire. Nous terminons tout émoustillés et prenons rendez-vous pour les prochaines échéances de la nouvelle année : avec d’ores et déjà quelques rencontres prometteuses. Merci à tous !

In vino veritas

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