In Vino Veritas

Ma sélection de Noël

Les fêtes de fin d’année sont une occasion rêvée pour partager de belles bouteilles. En ce qui me concerne, je n’ai pas dérogé à la règle puisque de très beaux et même de sublimes vins m’ont été offerts à la dégustation. Donc voici ma sélection de Noël : Riesling Grand Cru Altenberg de Bergheim 2001, Domaine Marcel Deiss ; Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Champs-Gain 2005, Domaine Vincent & François Jouard ; Champagne Gosset Célébris 1990 ; Auslese Cuvée 2005, Alois Kracher ; Château Carbonnieux blanc 1997, Cru Classé de Pessac-Léognan ; Tokay Pinot Gris Grand Cru Hengst 2001, Albert Mann ; Chassagne-Montrachet 1er Cru Morgeot 1997, Domaine Bachelet ; Pommard 1er Cru Monopole « Clos des Epeneaux » 1997, Domaine du Comte Armand ; Chassagne-Montrachet 1er Cru Monopole « Clos du Château de la Maltroye » 2000, Château de la Maltroye et quelques autres…


Si vous avez lu mon commentaire précédent sur notre très belle soirée de Noël, vous vous souvenez peut-être que je suis arrivé très en retard chez Audrey et Yannick. Et bien voici mon alibi : Au Monde du Vin ! Les lecteurs fidèles connaissent ce nom puisque c’est celui de mon caviste officiel, qui est tenu de main de maître par mon ami Fabrice. Je suis passé là-bas pour faire mes emplettes et voici que le patron (ou le shérif) me propose un apéritif. A l’aveugle comme toujours !

Le premier vin me fait déjà rentrer dans le panneau. En effet, le Riesling Grand Cru Altenberg de Bergheim 2001, Domaine Marcel Deiss dévoile un nez trompeur de fruits exotiques mûrs. Son séjour en carafe laisser augurer une légère touche oxydative, mais pour moi, c’est un pinot gris… Perdu ! En bouche, quel équilibre et quelle pureté. C’est net, précis, ample ; la droiture du Riesling n’est pas remarquable mais le tout est d’une longueur exceptionnelle. Sa finale chaleureuse marque une vigne exposée, même si sa grande fraîcheur est typique d’un grand terroir comme l’Altenberg de Bergheim. IVV : 92/100.

Le Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Champs-Gain 2005, Domaine Vincent & François Jouard est produit par un vigneron que vous ne connaissez peut-être pas, mais qui vaut la peine d’être placé dans le Top 10 des producteurs de Chassagne. Pour Fabrice, c’est un futur grand de Bourgogne et force est de constater que ce vin tout à fait grandiose m’amène à la suivre dans sa démarche sans aucune hésitation. Le nez est d’une finesse incroyable, avec une précision aromatique (herbe fraîche, minéral) diabolique. Quelle pureté ! En bouche, le vin prend une dimension digne d’un Premier Cru, avec une pureté et une fraîcheur de premier plan, malgré une marque boisée encore palpable (mais si sexy !) Une acidité fine porte ce vin sur tout le palais, avant que toute la chaleur du Chardonnay n’ajoute une nouvelle dimension et n’annonce une finale longue et profonde. Un grand vin dans un grand millésime, qui fera le bonheur de tous ceux qui auront la force de le garder 5 à 8 ans. IVV : 93+/100.

Le vin précédent fut si bon qu’il m’était difficile de terminer mon verre aussi rapidement. C’est alors qu’arrive la prochaine carafe, remplie d’un vin sur lequel subsiste une fine pellicule de mousse. Fabrice nous dit que c’est le même Chassagne mais dont la malo a mal tournée ! Il s’agissait en fait du Champagne Gosset Célébris 1990. Il fut carafé juste avant le service, afin de garder le mystère quant à son origine mais aussi dans le but de libérer ce VIN d’une partie de son effervescence. La couleur annonce déjà le début des hostilités : jaune paille aux reflets acajou. Au nez, la pomme, l’abricot, la brioche et le pain grillé beurré tirent leur épingle du jeu. On sent beaucoup de caractère dans ce vin composé à parts égales de Pinot noir et de Chardonnay. L’attaque en bouche est vive, puissante, grasse, mais la fraîcheur revient au galop pour laisser une impression de fraîcheur et de plénitude. Un Champagne de haut vol à la personnalité affirmée, produit dans un grand millésime et qui garde un équilibre parfait. IVV : 94/100.

Cette dégustation est absolument magnifique et si bien constituée dans le sens où chaque vin fait oublier le suivant de part sa classe. Difficile donc de trouver un successeur à ce grand Champagne. Mais voici que Fabrice a une idée. Il revient sur un domaine que nous avons découvert ensemble cette année. Avant toute chose, c’est avec une grande tristesse que j’apprends la disparition d’Alois Kracher. Et c’est quand je parcours les vins que ce génie a produit que je ne peux qu’espérer que ces successeurs continueront d’exploiter ce terroir avec une telle perfection. Le Auslese Cuvée 2005 est une expression de plénitude en bouteille. Avec 91g/L de sucre et 12% d’alcool, ce vin issu d’un domaine dont je ne louerai jamais assez la qualité se montre jaune clair dans le verre, avec des reflets rosés brillants. Il suffit de porter son nez à ce breuvage pour comprendre ce qu’est une grande Vendange Tardive. Une complexité de fruit (ananas, mangue, pêche blanche, cerise jaune), du croquant et une fraîcheur incroyable apportée par le tilleul, le thé blanc. En bouche, c’est majestueux : du fruit, mais un côté aérien qui ne me rappelle rien d’autre de connu à ce jour. Ce vin est littéralement porté par cette fine acidité et offre un moment de plaisir unique. Grand ! Composé pour 50% de Welchriesling et 50% de Chardonnay. IVV : 96-97/100.

Après une telle dégustation, difficile de quitter les lieux… C’est pour cette raison que Yannick et moi-même y retournons le lendemain. C’est là que nous rencontrons Jean-Paul qui anime une dégustation de Rhums. Le Rhum JM Réserve Spéciale est sans conteste le plus grand Rhum qu’il ait été donné de déguster. Une liqueur de fruits (banane, vanille, raisin secs) alliée a un équilibre et une longueur parfaits, malgré un taux d’alcool de 47%. Wow ! Le must du Rhum martiniquais, et ce n’était même pas une cuvée millésimée…
Je continue mes achats de Noël dans le magasin, en me permettant même de conseiller un client de ne pas rater deux raretés, à savoir deux Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1990. A la fin de la journée, Fabrice nous invite à une nouvelle dégustation. Je ne m’attarderai pas sur le Champagne Rosé Louis Roederer trop lourd, et sans grand intérêt. Car arrive ensuite une véritable infusion de tilleul : le Château Carbonnieux blanc 1997, Cru Classé de Pessac-Léognan. Au nez comme en bouche, c’est d’une expression aromatique rare : le tilleul, l’anis étoilé, la camomille montrent que ce vin d’un équilibre et d’une fraîcheur remarquables entame doucement son évolution. Quel velouté ! Son côté gras offre une belle densité à l’ensemble et une acidité modérée fait que ce vin se suffit à lui-même. Pour ma part, il ouvre de nouvelles perspectives en matière de Bordeaux blanc sec. Très très bien. IVV : 93/100.
Je ne pourrai jamais assez remercier Fabrice et toute sa sympathique brigade de me faire partager de tels moments de dégustations. Je suis très fier et très flatté d’avoir été des leurs en cette fin d’année très éprouvante pour eux au regard de leurs horaires de travail. Merci !

Ma sélection de Noël inclut bien sûr aussi les vins que j’ai débouchés le jour de Noël pour les 20 ans de mon frère Fabien. Auparavant, je souhaiterais aussi revenir sur un grand domaine d’Alsace, à savoir Albert Mann. Mon père débouche en ce 24 décembre un Tokay Pinot Gris Grand Cru Hengst 2001 du domaine, par ailleurs primé d’un coup de coeur au Guide Hachette 2004. Voici mes notes : Robe jaune clair aux reflets verts pâles. Nez discret de pêche, melon, ananas et citron confit, avec une grande fraîcheur (tilleul). Attaque onctueuse, équilibrée, avec une légère amertume ; le fruit ressurgit au palais avec une acidité modérée mais présente et qui annonce un grand potentiel de garde. Finale grandiose et profonde avec toute la fougue du Hengst alliée à une fraîcheur remarquable. Le terroir sous-jacent se prépare à prendre le dessus d’ici 3 à 5 ans pour offrir un grand vin de gastronomie. Pour le moment, c’est du plaisir à l’état pur, dans le registre de l’expressivité du fruit. Un vin qui se suffit à lui-même. Bravo ! IVV : 92+/100.

Revenons donc sur le 25 décembre et plus particulièrement deux grands vins. Le Chassagne-Montrachet 1er Cru Morgeot 1997, Domaine Bachelet était le dernier d’un carton de 12 bouteilles acheté au domaine par mon père. Je n’ai pas pris de notes, mais j’ai le souvenir d’un vin à la structure droite alliée à une fraîcheur grandiose. La minéralité du terroir marno-calcaire de Morgeot (éboulis) n’y est pas étrangère, et les arômes d’herbe fraîche, d’amande douce, de fumée et de pierre mouillée offrent un pur moment de plaisir sur les écrevisses. Le gras et le caractère beurré du Chardonnay en font même un beau compagnon du foie gras et du saumon fumé aux câpres. Un vin de terroir et de gastronomie à pleine maturité. Magnifique. IVV : 92/100.
Car comparé au Chassagne-Montrachet 1er Cru Monopole « Clos du Château de la Maltroye » 2000 du Château de la Maltroye bu le soir même avec des homards au beurre et fines herbes, il est moins lourd, moins gras. Je pense que le 1er Cru La Maltroie a un sol plus argileux, peu profond et peu riche. En effet, ce dernier vin était certes plus rond, plus charpenté, mais aussi plus lourd. Il n’offrait pas la fraîcheur des deux autres Chassagne décrits plus tôt dans ce commentaire.

Pour finir ce long commentaire de fin d’année, laissez-moi vous présenter le Pommard 1er Cru Monopole « Clos des Epeneaux » 1997 du Domaine du Comte Armand. Servi à midi sur un Cîteaux préparé par Bernard Anthony, il se montrait généreux, jeune et puissant, avec beaucoup de fruit noir entremêlé de notes torréfiées. Un vin gourmand qui se montra plus complexe le deuxième jour, déjà de par sa couleur : tantôt grenat, tantôt plus rubis, son aspect laiteux montra bien entendu que ce vin a été mis en bouteille sans aucun filtrage. Au nez, la cerise acidulée, l’humus, l’amande douce sont typiques du Pinot Noir, tandis que l’orange amère et le chocolat rappellent une orientation plus gourmande et une recherche de maturité du fruit. En bouche, il se montre souple, velouté puis gagne en rusticité, en puissance et se montre enfin sous son vrai visage de Pommard ! Sa finale joue sur la noisette, avant que la structure acide du vin ne laisse une trace chaleureuse et d’une grande profondeur. Ce Grand Vin sort des sentiers battus dans le sens où il offre un ensemble mûr et gourmand digne d’un millésime ensoleillé. Mais il n’en demeure pas moins un modèle d’équilibre et de structure. Bravo ! IVV : 94/100.

Et voici pour ma sélection de Noël version 2007, au cours de laquelle j’ai pu boire des grands vins modèles pour leur appellation. Tous ou presque ont tenu leur rang, tandis que quelques révélations ont eu lieu, notamment en ce qui concerne les Chassagne-Montrachet. Merci à tous ceux avec qui j’ai partagé de très beaux moments de convivialité lors de ces dégustations. Il ne me reste qu’à vous adresser mes meilleurs voeux pour l’année qui se profile…
Que 2008 offre de nouveaux grands moments de dégustation et nous ouvre toujours de nouvelles perspectives pour ce qui est notre passion commune : le Vin.

In vino veritas
Thomas

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