In Vino Veritas

Primeurs 2006 – Domaine Barmès-Buecher

Lors d’une sympathique visite dans ce domaine phare en Alsace, nous avons pu découvrir entre autres le millésime 2006 selon François Barmès. Une gamme si pléthorique de vins à la dégustation que nous nous sommes limités aux vins issus de ce jeune millésime ainsi que quelques mini-verticales fortes intéressantes.


Il fait bien gris en ce lundi 10 mars, si gris que même la région de Colmar si souvent épargnée du mauvais temps fut elle aussi touchée. Nous arrivons au domaine Barmès-Buecher avec Vincent et Fabrice au terme de la traversée de la rue Sainte-Gertrude qui abrite tant de vignerons au nom de Buecher !

Mais ne vous y trompez pas, il s’agit bien du domaine Barmès-Buecher, tenu depuis 1985 par Geneviève Buecher et François Barmès. Ce domaine gagne du terrain dans la hiérarchie des vins d’Alsace, et s’est converti à la biodynamie depuis 1998. Un style que l’on peut comparer à celui de Zind-Humbrecht, dont vous pouvez lire par ailleurs les commentaires de dégustation de 2006, dans un registre peut-être moins extrême. Quoi qu’il en soit, je résumerais cette dégustation aux mots profondeur, équilibre et pureté. Plus de détails ci-dessous. Bonne lecture !

Nous commençons par le Crémant Brut 2006 Zéro Dosage. Une bulle légère et un nez frais aux notes de raisin et de pomme. La bouche est ample, équilibrée, et ronde avec une finale souple et sucrée. Un Crémant sans prétention, qui prépare bien la dégustation des vins tranquilles.

  • L’entrée de gamme

    Le Sept Grains 2006 est un assemblage des jus de goutte lors de la rentrée des raisins dans la cuverie. L’idée est bien trouvée, et force est de constater que ce vin pénétrant au nez dévoile une belle complexité, avec une dominante pinot (ananas, fruits jaunes) et une certaine fraîcheur. Cependant il s’affadit en bouche, devenant légèrement amer, malgré une note épicée. La finale est alcooleuse. IVV : 78/100.
    Le Pinot Blanc Auxerrois 2004 ne procure pas plus de plaisir. Une belle couleur jaune pâle aux reflets brillants puis plus rien. Peu expressif, variétal, il n’offre pas d’intérêt particulier. IVV : 75/100.
    Le Muscat Ottonel 2005 a un nez typique de Muscat (fleurs, raisin sec) avec des notes amandées. Mais l’entrée en bouche est retenue, tendue, et peu expressive. Dommage. IVV : 79/100.
    Plus mûr, le Pinot d’Alsace 2005 est pour moi le plus accompli de ces vins d’entrée de gamme. Sur les fruits jaunes, il manque certes d’amplitude en bouche et dévoile une certaine amertume pour prétendre à une note correcte, mais offre néanmoins un bel équilibre. Cette recherche de maturité lui convient bien. IVV : 80/100.

    Avant d’attaquer les cépages dits nobles, je voudrais mettre une mention spéciale au Pinot Blanc Rosenberg de Wettolsheim. Le 2006 offre un nez complexe de poire alcoolisée, d’églantine, de coing et de miel de fleurs. A la fois croquant, droit et doté d’une belle acidité, il relance l’églantine en finale et offre une belle profondeur. IVV : 85+/100. Plutôt interloqués par cette réussite, nous décidons de goûter le 2002. L’évolution est certaine, mais le caractère de ce vin est encore plus affirmé. Plus gras, plus beurré mais toujours avec cette note d’églantine, il est plus intégré car son acidité est plus fondue. Très intéressant de voir un Pinot Blanc au top de sa forme après 6 ans de garde, il offre une belle évolution par rapport au 2006. IVV : 87/100. Une belle trouvaille en somme, à un prix certainement attractif !

  • Les Riesling de terroir

    Le Riesling Tradition 2006 est frais, avec une fine touche de zeste d’agrumes qui lui confère une certaine amertume. La matière est là, avec une belle acidité, même si le tout manque d’énergie en finale. IVV : 81/100.
    Les Riesling de terroir offrent une expression plus aboutie, et heureusement d’ailleurs ! Le Riesling Rosenberg de Wettolsheim 2006 est issu d’un terroir calcaire, et ça se sent ! La craie vient s’ajouter aux notes d’herbe fraîche et de citron. En bouche, le zeste de citron, l’orange et le pamplemousse se mêlent. Le tout est franc, droit, pur et long. Beaucoup de qualités réunies dans ce vin. IVV : 88/100. Le Riesling Rosenberg de Wettolsheim 2005 est tout aussi expressif, avec du fruit et une touche de minéralité (craie). Droit, sur le fil du rasoir, il offre plus de minéralité et quelques belles notes d’agrumes et de chèvrefeuille. IVV : 87/100.
    Le Riesling Clos Sand de Wettolsheim 2006 est difficile à goûter. Fermé, réductif, même la clé à vin ne lui offre que peu de chances de s’épanouir. Brut, mais frais, il doit être regoûté. Nous nous tournons alors vers le Riesling Clos Sand de Wettolsheim 2005. Déjà plus ouvert, il offre beaucoup de fraîcheur et de minéralité au nez, avant d’attaquer sans concession. Droit, frais, précis, puis plus velouté sur le tilleul. La finale est moyennement longue. IVV : 87/100. Enfin, le Riesling Clos Sand de Wettolsheim 2004 est le plus abouti de cette verticale. On revient sur le tilleul, les agrumes, avec une belle pureté. Toujours droit en bouche, il est cependant plus dynamique, sur les épices, puis redevient plus souple en finale. Equilibre et pureté caractérisent ce beau vin. IVV : 89/100.
    Le Riesling Herrenweg de Turckheim 2006 est plus mûr, sur la pêche jaune, avec une pointe florale. L’attaque est sur les fruits jaunes, avec un bel équilibre, une longueur digne d’un vin de terroir, et toujours avec cette note de pêche. Original, mais moins typé que les vins précédents. IVV : 85/100.
    Avant les Grands Crus en Riesling, il nous restait le Riesling Leimenthal de Wettolsheim 2005. Le nez est bien fait, sur l’amande douce, la mirabelle, le coing et le minéral. La bouche est franche est minérale ; c’est bon mais le vin n’offre rien d’excitant par rapport aux autres. IVV : 86/100.

  • Les Riesling Grand Cru

    Le Riesling Grand Cru Hengst 2006 annonce un nez complexe et prometteur sur la rose, le fruit exotique. Frais, fringuant, tendu, il manque de typicité pour offrir un grand vin de terroir. Peut-être que le vieillissement lui offrira ce qui lui manque à ce stade. IVV : 85+/100. Plus accompli, le Riesling Grand Cru Hengst 2004 a un nez moins explosif mais plus élégant. De ce fait, le Riesling est plus à son aise. Aussi un millésime plus froid permet de retrouver plus de minéralité sur ce terroir exposé plein sud. La finale n’en est pas moins chaleureuse et équilibrée. IVV : 89/100.
    Le Riesling Grand Cru Steingrübler 2006 exhale une fine touche d’abricot, même si le tout demande encore à s’épanouir. Frais, expressif, sur la pêche jaune. En bouche, il est exotique, velouté, mais encore un peu sur la réserve. La finale est un peu lourde mais longue. En somme, ce beau vin a tous les atouts pour devenir un grand vin avec les années. IVV : 90+/100.

  • Les Pinot Gris de terroir

    Le Pinot Gris Herrenweg de Turckheim 2006 s’ouvre sur les fruits jaunes, l’abricot et une fraîcheur cristalline. L’entrée en bouche est mûre, précise, avec des notes de pêche, de brugnon avec une évolution sur le clou de girofle et l’églantine. La finale pêche par contre de par une longueur moyenne et une note de chaleur. IVV : 86/100. Le Pinot Gris Herrenweg de Turckheim 2005 dévoile quant à lui des notes plus évoluées, tertiaires, de cuir et d’épices. Elégant au nez, il est plus tendu en bouche avec une touche de caramel. Son amertume, son caractère sapide se prolongent dans une finale longue et puissante. IVV : 88/100.
    Le Pinot Gris Pfleck de Wettolsheim 2005 est issu d’un terroir calcaire, et se caractérise par une belle finesse et un fruité discret au nez. L’explosion de fruit en bouche est inattendue, le fruit est jeune et l’ensemble se montre plutôt fougueux. Par contre, il se termine en queue de poisson, sans grande originalité. Dommage. IVV : 85/100.

    Les Pinots Gris issus du terroir argilo-calcaire du Rosenberg de Wettolsheim font l’objet de mon deuxième coup de coeur. Le domaine vinifie séparément deux terroirs à l’intérieur du lieu-dit Rosenberg, l’un avec des substrats de silice (Silicius) et l’autre à dominante calcaire (Calcarius). Tous ces vins ont une expression aromatique particulière ainsi qu’une dimension digne d’un Grand Cru. Commençons par le Pinot Gris Rosenberg Calcarius 2005. Le nez est discret, minéral, très élégant. On ne peut imaginer qu’un tel vin ait 30g/L de sucres résiduels. Ce vin est fait pour la gastronomie : minéral, droit, expressif, il se prolonge dans une finale longue grâce à une acidité qui lui confère un équilibre et un potentiel exceptionnels. IVV : 92/100. Pour moi, ce vin surclasse son aîné d’un an. Le Pinot Gris Rosenberg Calcarius 2004 est certes plus fruité au nez, mais il n’a pas la dimension du 2005. Il reste néanmoins frais mais moins expressif, l’effet millésime peut-être. Son acidité lui confère un beau potentiel, mais ce vin ne laisse pas l’empreinte du 2005. IVV : 88/100.
    Le Pinot Gris Rosenberg Silicis 2005 dévoile une belle expression aromatique (fruits jaunes, fruits exotiques), avec une touche minérale, mais il manque cependant de complexité. Il se rattrappe par une grande présence et une belle vivacité au palais, avec de la matière. La finale est franche, très longue et chaleureuse. Le tout se termine sur la minéralité. IVV : 90/100. Enfin, le Pinot Gris Rosenberg Silicis 2002 est sans conteste le plus grand vin dégusté jusqu’alors. Pour Fabrice, il s’agit même du plus grand vin de la journée ! Le nez est complexe, avec tout d’abord des notes de tilleul et d’églantier, puis un fruit plus mûr et de l’amande (toasté). L’attaque est franche, puis le fruit blanc explose au palais avec une grande précision. Gras, complexe, typé, ce vin a tout d’un grand ! IVV : 95/100. Cette série de Silicis est tellement belle que nous terminons avec le Pinot Gris Rosenberg Silicis 2001. Avec une maturité et un potentiel de Vendange Tardive, il dévoile au nez des flaveurs de pêche, d’abricot, puis d’orange, de mandarine. En bouche, il se montre complexe (tous les arômes du nez avec en prime la pâte de fruits et l’ananas), velouté. La finale est fondue, moyennement longue, mais terriblement moelleuse. Son extrême fraîcheur m’interpelle : où sont passés les 75g/L de sucre ? IVV : 94/100.

  • Les Gewürztraminer de terroir

    Alors que le Gewürztraminer Herrenweg de Turckheim 2006 offre une introduction traditionnelle mais sans originalité au cépage, le Gewürztraminer Wintzenheim 2005 est moins typé Gewürztraminer. Son nez est encore réduit et alcooleux. En bouche, l’ensemble est riche malgré un équilibre sec. Il termine avec droiture et minéralité. IVV : 87/100.
    Le Gewürztraminer Rosenberg 2006 offre une dimension plus aromatique que les deux vins précédents. Floral avec une attaque fraîche, il se montre croquant, avec 25g/L de sucres très bien intégrés à l’ensemble. Sa finale est moyennement longue. IVV : 89/100.

  • Les Gewürztraminer Grand Cru

    Les trois vins suivants mettent en avant la dimension que peut prendre un Grand Cru sur tous les autres terroirs d’un village lorsqu’il est bien travaillé. Le Gewürztraminer Grand Cru Pfersigberg 2005 dévoile une maturité discrète sur le fruit jaune. En bouche, acidité et amertume annoncent un beau potentiel de garde à ce vin savoureux et sapide. IVV : 89/100.
    Le Gewürztraminer Grand Cru Hengst 2005 profite d’un terroir idéal pour ce cépage. En effet, ce vin est magnifié par son terroir. Plein de caractère, traditionnel et brut, il intègre ce supplément d’âme que lui confère son terroir. Sapide en bouche, mais terriblement complexe en finale, c’est une réussite que l’on attend d’un Grand Cru d’une telle renommée. Il tient son rang. IVV : 92/100.
    Enfin, le Gewürztraminer Grand Cru Steingrübler 2006 est très vif au nez. Pas de sensation de moelleux malgré 37g/L. En bouche, belle complexité : rose, violette et autres fleurs se montrent tout en finesse, même si le tout gagne en caractère. Belle maturité, et un sucre encore une fois magnifiquement intégré. Bravo ! IVV : 94/100.

  • Les vins moelleux et liquoreux

    Pour finir en beauté, 3 Gewürztraminer Vendange Tardive (VT) et 2 Pinot Gris Sélection de Grains Nobles (SGN) nous sont servis et nous permettent de toucher au sublime ! Personnellement, seul le Gewürztraminer Grand Cru Hengst VT 2006 ne m’a pas convenu. Il doit être regoûté. Par contre, le Gewürztraminer Wintzenheim Cuvée Maxime 2006 offre un tremplin idéal pour entrer dans le monde des grands liquoreux d’Alsace. Encore une fois, le sucre est sublimement intégré à l’ensemble ! Magnifique complexité au nez puis en bouche, où se joue un crescendo de fruits et de fleurs, avec une touche superbe de confiture de rose en finale. Ce vin laisse une grande empreinte avec un équilibre remarquable. IVV : 94/100. En outre, le Gewürztraminer Grand Cru Pfersigberg VT 2006 est pour moi encore supérieur. Quelle fraîcheur au nez ! La surmaturité domine, avec en arrière-plan la violette, la framboise, les fruits jaunes et blancs. L’entrée en bouche est grasse, la framboise, la poire s’entremêlent dans un ensemble rond et moelleux où le sucre ne fait que porter les arômes. Magnifique ! IVV : 96/100.
    Pour terminer, le Pinot Gris Herrenweg de Turckheim SGN 2000 est d’une couleur jaune or. Des arômes de pâte de fruits dominent avec une note boisée digne d’un botrytis bien travaillé. D’un style Barsac, mais dans un registre moins puissant, ce vin liquoreux joue dans le registre de l’élégance, ce qui rajoute encore à son charme initial. Là aussi, l’équilibre de ce vin est incroyable, malgré 138g/L de sucres résiduels. IVV : 95/100.
    Enfin, l’extrême conclut notre dégustation : le Pinot Gris Rosenberg SGN 2000 titre 6,8% d’alcool et 389g/L de sucres résiduels. De couleur ambrée, huileux sans être visqueux, il envahit le nez de notes de fruits surmûris : pruneau, pomme, figue, confiture de pâte de fruits (!), miel. Le palais est subjugué par la précision de ce véritable nectar des Dieux, qui n’en reste pas moins équilibré grâce à une acidité rafraîchissante. L’aboutissement du liquoreux par Barmès-Buecher. Grand ! IVV : 97/100.

    La dégustation se termine par des sourires et l’impression d’un grand plaisir partagé. Comme décrit précédemment, les vins de François Barmès se caractérisent par une recherche de maturité couplée à une magnifique équilibre. Par ailleurs, la recherche de typicité du terroir est amplifiée par la quantité importante de parcelles et de climats vinifiés à part. Tous ces choix ont du sens, et c’est en celà que le travail de tout l’équipe du Domaine Barmès-Buecher doit être récompensé.
    Nous terminerons cette visite par un buffet de charcuterie et fromage amicalement servi par la sympathique équipe du Domaine, avant de faire un détour par les chais et la cave du Domaine, la fameuse Cathédrale tant enviée par les vignerons de la France entière et au-delà…

    Prochaine étape : la dégustation des primeurs 2006 du Domaine Zind-Humbrecht. Alors restez connectés !

    In vino veritas
    Thomas

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