In Vino Veritas

Raymond Paccot ou l’excellence vaudoise

Raymond et Violaine Paccot sont installés à Féchy dans le canton de Vaud en Suisse. Ils nous ont fait l’honneur de se déplacer pour rencontrer les Avinturiers pour présenter le fruit de leur travail au Domaine La Colombe. Au cours d’une dégustation des plus conviviales nous avons touché à l’excellence de ces vins de la Côte à travers l’espression de terroirs et de cépages uniques. Au programme plusieurs interprétations de Chasselas, le cépage roi de Féchy et de Mont-sur-Rolle, mais aussi le Pinot Gris Réserve ou la cuvée Amédée VI (essentiellement à base de Savagnin). Avec en prime deux grands vins rouges, La Colombe Noire et la Colombe Rouge.

 

Pour la troisième fois consécutive les Avinturiers ont le privilège d’accueillir un couple de vignerons pour nous faire découvrir, comprendre et vibrer sur les vins de leur région, de leurs terroirs.

Cette fois-ci Raymond et Violaine Paccot nous ont rejoint au Restaurant Au Canon d’Or, notre QG, pour nous présenter les vins du Domaine La Colombe à Féchy. Depuis plus de 50 ans le Domaine La Colombe recherche la vérité du terroir ainsi que son expression la plus forte. Raymond Paccot a repris la direction du domaine à la suite de son père Jules et a toujours oeuvré pour offrir le meilleur de la Côte, de sa cuvée d’entrée de gamme jusqu’aux vins de réserve. C’est pourquoi il s’est lancé dès l’an 2000 dans la culture biodynamique, il fut d’ailleurs un des précurseurs de ces méthodes en Suisse aux côtés de Marie-Thérèse Chappaz, une de ses grandes amies. La majorité des vins de la Colombe sont des vins blancs issus du cépage Chasselas : alors que beaucoup de vignerons de la Côte arrachent ce cépage historique au profit de raisins plus vendeurs comme le Sauvignon ou le Chardonnay, Raymond ne cesse d’en vanter les qualités : la finesse, la complexité ainsi que sa capacité de garde sur les grands terroirs calcaires de Féchy. Mais il s’essaie aussi à des assemblages originaux et même à la complantation, preuve en est que cet homme est ouvert à la diversité et aux nouvelles techniques (dont l’utilisation d’amphores pour la vinification de certains vins). Enfin que dire de ses vins rouges que je ne peux que vous recommander…

Bref nous débutons la soirée en compagnie de Raymond et Violaine par une petite présentation de la viticulture suisse qui s’étend sur environ 15000 ha, soit un peu moins que le vignoble alsacien. 11000 ha de vignes sont plantés en Suisse romande et le Vaud est le 2è canton producteur du pays après le Valais. Le Domaine La Colombe s’étend sur environ 15 ha dont la majorité est plantée de cépages blancs (dont 60-65% de Chasselas) mais aussi de Pinot Gris, de Savagnin, de Pinot Noir, de Gamay et de quelques cépages endémiques comme le Garanoir ou le Gamaret. Le domaine s’est agrandi au fil du temps avec notamment un apport de grands terroirs par Violaine Paccot, qui a eu raison de préciser que les meilleurs vins de la soirée soient issus de ses propres vignes !

Nous débutons la dégustation par un triptyque de Chasselas de terroir. Tout d’abord le Féchy En Bayel 2011 est issu de vignes de 50 ans sur un sol argilo-calcaire drainant plutôt chaud. A ce titre il convient de préciser que le Vaud est une des régions de Suisse les plus sèches avec en moyenne 800mm de pluies annuelles. En résulte un vin déjà très accessible au nez, à la fois frais et minéral, sur des notes d’agrumes, de foin et de tilleul. La bouche est tendue, florale et met en avant une texture aérienne avant de terminer longuement et chaleureusement. Vin de fruit, vin de plaisir immédiat, il est déjà très agréable et plein d’énergie. Quoi de mieux en apéritif ! Nous poursuivons sur le Féchy Le Brez 2011, précisément le vin qui m’avait fait découvrir le domaine l’été dernier, sur une terrasse en bonne compagnie (voir aussi la dégustation récente du millésime 2012). Il provient d’un terroir calcaire situé à l’Est de l’appellation et de vignes de 30 à 35 ans. Plus discret que son acolyte il laisse apparaître des touches exotiques puis un fruit blanc mûr évoquant la poire, le tout sur un fond minéral. La minéralité du terroir calcaire se fait sentir dès l’attaque de bouche, droite et fraîche. Le gras et la complexité de l’ensemble sont séduisants et mettent au jour le tilleul ainsi que la poire et le melon. La finale brille encore une fois par sa fraîcheur et sa longueur, elle le doit certainement à plusieurs facteurs : l’altitude du vignoble, l’enracinement profond de la vigne ainsi qu’une viticulture responsable. Pour finir cette série nous avons affaire au Mont-sur-Rolle Le Petit Clos 2011 qui est planté de vieilles vignes sur des sols argileux très pentus. La moitié du vin a fait une fermentation malolactique par souci d’équilibre entre son côté charpenté et son fruité fringuant, selon Raymond. Encore très jeune lors de cette soirée, il évoque discrètement des baies blanches et la groseille à maquereau en plus d’un fond minéral complexe. La bouche, plus austère que les deux vins précédents, évolue doucement sur des notes d’amande douce et de yaourt au citron. La minéralité et la grâce lumineuse de ce vin s’épanouissent peu à peu. Un vin à garder plusieurs années pour se faire plaisir en gastronomie.

Il est temps de regoûter ces vins avec la chiffonnade de saumon fumé et son velouté d’asperges préparée de main de maître par Gilles Reeb. Le Brez s’éclate sur le velouté d’asperges tandis que le Petit Clos s’exprime plus ouvertement sur l’ensemble du plat. Un accord réussi ! Le Féchy Les Curzilles 2011 est le résultat d’une vigne complantée de jeunes vignes (Pinot Gris, Doral, Savagnin et Chasselas plantées en 2001) puis vinifiées en amphore. Raymond nous explique qu’il tente volontiers quelques expériences en utilisant ces nouvelles méthodes de travail et je dois dire qu’il a produit un mélange très harmonieux et profond au nez où le miel côtoie les fruits jaunes mûrs et le minéral. Le volume de bouche est chaleureux et mûr, soutenu par le Pinot Gris et le Doral qui mettent au jour le fruit jaune et le foin, mais le vin tient parfaitement en équilibre grâce à une fraîcheur remarquable. La fin de bouche grasse et sapide ne s’éternise pas mais s’élargit avec une grande complexité.

Nous finissons cette série de vins blancs par deux cadors ! Tout d’abord le Vaud Pinot Gris Réserve 2011 qui provient de vignes de 60 ans avec un élevage sur lies fines en barrique. Violaine et Raymond avaient hésité avant de proposer ce vin à des alsaciens ! Et bien je dois les remercier de l’avoir fait car ce vin est tout simplement grandiose. Le fruit explose au nez avec une maturité étonnante sur des nuances d’agrumes confits, de poire mûre, de miel de fleurs et d’anis. Passée une attaque pure et droite, la bouche est tout simplement lumineuse : son volume met en avant une myriade de fruits blancs et jaunes rehaussés d’épices. Le vin prend de l’ampleur tout en restant frais et sec, les épices (anis, cannelle) ressurgissent dans une finale d’une longueur sensationnelle qui fera des heureux en gastronomie. En trois mots : puissance, élégance, harmonie. Alsaciens, prenez exemple !
Nous terminons les blancs par Amédée VI 2011, un grand vin d’assemblage composé à majorité de Savagnin et complété de Chardonnay, de Doral et de Chasselas. Ce vin rend hommage au Comte de Savoie qui avait octroyé les armoiries de la Colombe à la famille Paccot en 1356… L’assemblage de ce vin intervient après un élevage sur lies en cuve et en fûts de chêne (de 5 à 6 vins) puis une dégustation rigoureuse selon Raymond. Le résultat est très fin et charmant au nez, avec des accents de caramel brûlé, de fruit jaune mûr et d’herbes fraîches. La bouche grasse exprime toute la complexité de cet assemblage : l’alcool de poire, les épices, le fruit jaune et le pain frais s’affichent tour à tour avec une pureté, une droiture et une finesse de bouche impressionnantes. La finale veloutée se pare de vanille et de rose pour parfaire toute l’élégance et l’harmonie de ce grand vin d’assemblage qui offrira des merveilles sur une tourte de poulet aux morilles et Vin Jaune, par exemple…

 

Place à deux vins rouges qui accompagneront une côte d’agneau dorée à basse température et quelques petits légumes. La Colombe Noire 2011 est faite exclusivement de vieilles vignes (50 ans) de Pinot Noir et élevé en fût de chêne pendant 12 à 18 mois. Son nez mûr, pulpeux, fait la part belle à la cerise burlat et la prune fraîche avec des notes de charbon. Déjà ouvert mais doté d’un grand potentiel de garde, il exprime d’emblée toute sa densité et son velouté charmeur. Il coule avec délicatesse et distinction sur le palais ; l’évolution minérale est évidente en deuxième partie de bouche dans laquelle cette Colombe Noire met en avant sa structure et son caractère terrien. Le vin finit très frais et long. Quel équilibre, quelle droiture ! Pour terminer, et sublimer le plat, la Colombe Rouge 2011 se caractérise par toute son énergie. Assemblage de Syrah, de Gamaret et de Garanoir sur ce millésime, il est encore un peu fermé et poussiéreux. Le fruit s’impose petit à petit avant de s’ouvrir sur les baies rouges et la cerise. Jeune et plein de vitalité en bouche, il jongle tantôt sur le fruit tantôt sur les épices (café, poivre noir). L’expression est tendue et pleine d’énergie tout en maintenant des tannins fins, frais et encore jeunes. Le tout brille par un équilibre, une fraîcheur et une buvabilité étonnantes. Grand jus ! Grande garde !

 

Nous terminons par un geste d’amitié et de partage. Raymond et Violaine Paccot nous ont gracieusement offert un vieux Gruyère de 30 mois que nous avons pu goûter tour à tour sur le Féchy Le Brez 2006 puis le Féchy Le Brez 2001. Issu d’une année plutôt fraîche avec une arrière-saison pluvieuse qui favorisé le développement du botrytis, le Féchy Le Brez 2006 s’exprime discrètement sur le fruit blanc et le tilleul. La bouche est fine, avec un corps légèrement fluet mais qui est avant tout porté par la structure du terroir calcaire du Brez. Le Chasselas est un cépage qui a naturellement peu d’acidité mais j’avoue que ce vin révèle une belle fraîcheur et un côté lacté qui accompagne très bien le fromage. Le Féchy Le Brez 2001 est quant à lui plus en verve, avec une robe dorée un peu plus évoluée que son cadet. Le nez met en avant une palette de fruits complexe : la gelée de pomme, de coing se mêlent à l’ananas, l’abricot avec encore un soupçon d’anis et de tilleul. L’attaque veloutée se veut charmeuse, ce vin est la combinaison parfaite entre la maturité du fruit et la minéralité du terroir calcaire. Le toucher de bouche est onctueux, avec des soupçons de chocolat blanc et de brioche qui sont envoûtants et offrent l’accord parfait avec le Gruyère. Bravo !

 

« Le vin est une très belle aventure, il brise toutes les couches sociales » dit Raymond Paccot. Ce couple de vignerons engagé et ouvert sur le monde nous a ému, tout comme ce que nous avons eu la chance de déguster lors de cette soirée. Les vins de La Colombe sont à l’image de leurs créateurs : à la fois généreux, droits et plein d’harmonie. Leur complexité et leur grâce sont le fruit d’un travail proche de la vigne qui respecte la vérité du terroir par l’adhésion à la viticulture biodynamique et des méthodes de vinification naturelles.
Il n’est donc pas étonnant que les vins du Domaine La Colombe soient unanimement reconnus parmi les meilleurs de la Côte vaudoise voire de Suisse. Nous avons pu en faire la brillante expérience ce soir ! Merci à Raymond et Violaine pour cette dégustation inoubliable : votre humilité, votre gentillesse et votre générosité sont exceptionnelles. J’espère vous revoir très bientôt !

Domaine La Colombe, 1 route du Monastère, CH-1173 Féchy
Tél. +41 (0)21.808.66.48, domaine@lacolombe.ch
www.lacolombe.ch

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