In Vino Veritas

Soirée 20 de l’été

Alors que nous étions tous déprimés par la météo capricieuse de cet été Lio nous a remonté le moral à l’aide de quelques bouteilles de choix issues de sa cave personnelle : Champagne Ruinart rosé ; Mas de Daumac Gassac blanc 2012, IGP de Saint-Guilhem le Désert ; Carruades de Lafite 2005, Pauillac ; Domaine de la Grange des Pères 2011, IGP Pays de l’Hérault ; Tokay Pinot Gris Grand Cru Zinnkoepflé SGN 2000, José Ebelmann.

 

La soirée que nous a offerte Lionel il y a quelques jours a eu comme un subtil goût de reprise de nos dégustations mensuelles après une très courte pause estivale. D’autant plus qu’avec une température de 18°C les conditions idéales étaient réunies pour nous délecter de certains nectars entre amis ! Et ce même si cette soirée de l’été résonne dans ma tête comme la fin des vacances après des souvenirs mémorables sur les sommets africains…

Nous débutons par un apéritif des plus rafraîchissants en compagnie du Champagne Ruinart rosé d’une robe éclatante aux fines nuances saumonées. Le nez se veut ouvert et plutôt orienté sur les fruits rouges mûrs (fraise, framboise) avec une petite touche levurée qui traduit certainement un élevage en bois prolongé. Mûr au nez, mûr en bouche et doté d’une matière bien dosée, sa bulle fine et subtile supporte très bien l’ensemble ; des petites nuances briochées apparaissent (biscuit rose de Reims). Riche, bien constitué et bien équilibré, il s’agit d’un Champagne sans faute.

Le vin suivant interpelle dès le premier regard : sa robe pâle et ses larmes grasses me font penser à cette couleur de certains vins blancs du Rhône. La confusion se prolonge lors de l’analyse olfactive. Passé une phase de fermeture marquée par des notes poussiéreuses, le tout commence légèrement à s’affirmer même si nous nous accordons pour dire qu’il s’agisse d’un vin encore bien jeune. En effet ce Mas de Daumac Gassac blanc 2012, IGP de Saint-Guilhem le Désert déploie toute une myriade d’arômes de minéral, de coquillage, de pomelo puis d’olive verte et d’herbes séchées. La bouche est grasse mais éclatante grâce à un élan de fraîcheur continu. Au palais ses arômes complexes de fruit blanc, de pêche, de minéral et d’herbes séchées nous enchantent ; et que dire de l’accord avec la tapenade de champignons et truffe ! Son caractère unique ainsi que l’assemblage original en font un grand vin blanc du Languedoc. Il reprend parfaitement toute l’aromatique du Chenin, la douceur veloutée du Manseng, la fine amertume du Viognier ainsi que le gras du Chardonnay. Un superbe vin blanc qui en surprendra plus d’un !

 

L’heure est au plat principal, un bœuf bourguignon aux nouilles d’Alsace, qui sublimera le vin suivant à savoir les Carruades de Lafite 2005, Pauillac. Sa maturité et sa puissance sont palpables au nez. Elles évoquent des notes de transpiration et de cuir portées par le pruneau et le clou de girofle ; l’eucalyptus s’affirme après quelques temps dans le verre. L’attaque en bouche est plutôt discrète, presque aqueuse mais gagne en puissance très vite sur des nuances d’encre et de cuir. Je retrouve ce soupçon sauvage très particulier de Château Lafite et qui lui donne cette prestance, j’irai jusqu’à dire la souveraineté d’un Seigneur. Le tout se prolonge dans une finale complexe qui fait la part belle aux herbes séchées, aux fruits noirs, à l’encre et à la mine de crayon. Ce superbe vin est pour moi supérieur à Pavillon Rouge de Château Margaux 2005 bu récemment (voir par ailleurs) et entre tout doucement dans sa phase de pleine maturité.

Le niveau des vins servis est élevé car tous, jusqu’à présent, ont parfaitement tenu leur rang. Malgré une légère anxiété à l’idée d’attaquer le vin suivant Lio nous propose dans une carafe un vin rouge à la robe sombre, nous saurons bien plus tard qu’il s’agit de la célèbre Grange des Pères 2011, IGP Pays de l’Hérault qu’il a eu la chance d’acheter directement à la propriété lors de ses vacances dans le Sud de la France. Il n’a pas manqué de nous raconter à quel point cette propriété, dont les vins se vendent des fortunes sur le marché parallèle, a su garder une humilité et une simplicité qui ont contribué à son succès planétaire depuis son premier millésime en 1992… L’angoisse de notre hôte a donc très vite laissé place à l’excitation de tous et ce, dès le premier nez. La complexité naissante de l’ensemble révèle la cerise griotte à l’alcool, le caramel, des touches lardées qui évoluent sur le tabac, la noisette et une note de phosphore, vous savez l’odeur que vous retrouvez quand vous grattez une allumette ? Même le verre vide, la garrigue et les épices ressortent encore avec insistance, je vous laisse donc imaginer le potentiel de garde de ce vin. La bouche se veut puissante, sur l’éclat du fruit noir, encore fermée mais dotée d’un potentiel démentiel. Ce vin est en dehors de tous mes repères. Juteux et doté d’une puissance sans pareil, il se distingue par ses tannins policés et gourmands qui contribuent à obtenir un fond de vin de grande classe. Le poivre et le menthol accompagnent la cerise rouge, le toucher de bouche est onctueux mais le tout sait garder une grande fraîcheur. Robert Parker, en son temps, utilisait cette étrange expression qui trouve tout son sens à la description de ce vin : il s’agit « d’un tour de force » ! Grâce à sa longueur gourmande mais jamais entêtante, ce jus des Dieux nous enchante en toute sérénité. Grand, et pour longtemps !

 

Il est difficile de passer à autre chose après la Grange des Pères mais en même temps, la bouteille précédente est partie tellement vite qu’il nous fallait bien un dernier rafraîchissement ! C’est chose faite avec le Tokay Pinot Gris Grand Cru Zinnkoepflé SGN 2000 de José Ebelmann. Basé à Soultzmatt cet ami de la famille de Célia nous a déjà enchantés par le passé avec ses vins liquoreux. Cette fois-ci il nous propose un Pinot Gris subtil et qui cache bien son jeu : le nez exhibe la camomille, le miel, la cire puis la poire mûre. En bouche son éclat n’a d’égal que sa finesse et son caractère digeste. Nous retrouvons ces notes de poire et de camomille qui sont rehaussées par le chocolat blanc, les fruits jaunes (mirabelle, coing), le sucre roux et une fine touche de tilleul. Toujours digeste jusque dans une finale fraîche, il constitue un compagnon idéal avec la tarte aux mirabelles à l’italienne préparée par Paola !

En somme je ne peux que me réjouir de n’avoir pas manqué cette superbe Soirée 20 de l’été. D’ailleurs, et comme si cela avait été prémonitoire, personne de notre groupe n’a loupé cette session ! Tous les vins présentés ont été fidèles à leur réputation : la grandeur de la Grange des Pères nous a donné rendez-vous dans 10 ans (au moins), les Carruades de Lafite nous a délivré un exercice de style précis et à l’image de ce que ce 1er Grand Cru Classé de Pauillac sait faire d’un grand millésime comme 2005. Enfin n’oublions pas Mac de Daumas Gassac blanc qui m’a pareillement bluffé car ce terroir magnifique a su sublimer l’assemblage original de ce grand vin blanc du Languedoc. Il va sans dire que nous sommes tous comblés à la suite de cette superbe dégustation de l’été qui a placé la barre haute pour la prochaine saison des Soirées 20. Surtout quand on sait que Yannick nous a invités à Dégustation Prestige chez lui très prochainement… Restez donc connectés !

 

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