In Vino Veritas

Une après-midi en bonne compagnie

Après notre première rencontre lors du mois de décembre, M. Pion et moi-même nous sommes revu pour parler à nouveau de notre amour du vin. Un moment intemporel qui nous a permis de découvrir de beaux flacons : Sancerre d’Antan 2003, Domaine Henri Bourgeois ; Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 1996, Monopole du Domaine Mestre Père & Fils ; Côte-Rôtie Champin le Seigneur 2004, Domaine Gerin.


La vie est faite pour partager des moments de convivialité. Pour moi, c’est particulièrement autour du vin que cette convivialité arrive à son paroxysme. Ce samedi, alors que nous nous étions promis de nous revoir, M. Christian Pion, mon oncle Christian et moi-même nous retrouvions autour d’une table garnie de beaux flacons, pour parler et reparler de Vin. Vous tous amateurs, vous savez au combien le temps manque quand on exerce sa passion : c’est pour celà que cette belle après-midi fut bien trop courte !

Au programme de la dégustation, deux découvertes et un classique de Côte-Rôtie. Je vais essayer de me remémorer la dégustation de ces trois beaux vins, car malheureusement, notre discussion fut si captivante que je n’ai eu le temps de prendre des notes. Mais bon, plus le vin est grand, plus sa marque reste indélébile dans le temps. C’est pourquoi je ne suis pas prêt d’oublier cette belle dégustation !

Sancerre d’Antan 2003, Domaine Henri Bourgeois : une production minuscule – surtout en 2003 – pour ce vin rare issu de vieilles vignes (65 ans) sur un sol de silex et vinifié par gravitation. D’une couleur claire aux reflets verts qui décrit une robe encore jeune, il laisse paraître un jambage moyennement épais. Son nez, discret tout d’abord, s’ouvre sur des notes d’agrumes, d’herbe coupée, le tout réhaussé de fruits exotiques. Cette fraîcheur, malgré un millésime souvent décrit comme lourd, se retrouve au palais, avec une acidité franche qui confie à ce vin une structure et un équilibre parfaits. La finale est droite et très précise avec une longueur persistante. Rebouché et dégusté le jour d’après, il est d’abord trahi par un caractère oxydatif curieux, puis une fois dans le verre, il se révèle tout aussi séduisant que le jour précédent. Le hasard a voulu que ma mère a acheté pour notre repas du dimanche un Crottin de Chavignol. Evidemment, le mariage semble sans originalité, mais je peux dire qu’il est si parfait : la fraîcheur, la finesse et l’élégante nervosité du vin alliée au moelleux et à la subtilité du fromage. Ce lundi, je me suis à nouveau régalé avec ce vin, dont les arômes ont encore gagné en précision et en expression, le terroir apparaît discrètement avec des notes minérales et fumées. Le tout se boit avec une aisance remarquable. Bravo ! IVV : 93/100

Le Chassagne-Montrachet 1er Cru Tonton Marcel 1996, Monopole du Domaine Mestre Père & Fils peut faire sourire du fait de son nom original, mais il est quelque peu déroutant dès que l’on essaie de le dompter. Car c’est un véritable caméléon ! D’apparence or clair dans la carafe, il est beaucoup plus foncé dans le verre. Le vin est de prime abord assez curieux quand on ose plonger son nez dans le verre. Christian Pion le qualifie de « sauvage » et le rapproche de son homologue du millésime 1989. A l’aération, il dévoile des notes plus classiques de foin, de pain et d’amande, avec quelques notes d’anis et de cardamome. L’attaque est discrète, tout comme la finale, le vin ne se montrant qu’en milieu de bouche. Puis, petit à petit, il devient plus expressif, même si l’on sent que la trame aromatique est toujours encore enveloppée par cette acidité. Ce vin cherche à s’exprimer, mais ces arômes sont emprisonnés comme dans une bulle ! M. Pion nous confia avec envie et une certaine impatience qu’il sera bon le lendemain. J’attends ses réactions en commentaires… Quoi qu’il en soit, ce vin est très difficile à noter, il aurait sans doute bénéficié d’une préparation préalable. Mais je pense qu’il n’est pas encore à maturité.

Nous terminons cette dégustation par un classique dans un millésime très réussi : Côte-Rôtie Champin le Seigneur 2004, Domaine Gerin. Le vin n’a pas été carafé, et offre une belle robe violacée aux reflets rubis et violets. Le nez est superbe : quelle définition ! Les fruits rouges et noirs explosent tout d’abord (notamment une note irrésistible de bourgeon de cassis). A l’aération, le vin se montre plus complexe, avec des notes épicées et de garrigue, avec une pointe minérale rafraîchissante. Le tout n’est pas encore intégré, mais cette pureté et cette « séduisance » sont irrésistibles, peut-être sont-ils les témoins de ce millésime 2004. Le rêve passe, puisqu’en bouche, le vin s’est refermé et est très droit, avec une trame très serrée ; la finale est longue. M. Pion nous confie que le vin se goûtait beaucoup mieux six mois auparavant, et que cette fermeture précoce est habituelle. Ainsi, nous aurons peut-être le plaisir de regoûter ce vin au beau potentiel dans six à huit ans… IVV : 89+/100.

Le soleil se couche et la discussion se poursuit. Nous insistons sur ce mystère qu’est la constante mutation des vins, qui sont plus que jamais une matière vivante. Et c’est aussi en celà que le Vin est aussi passionnant. Ces moments sont si intemporels que je ne peux être que triste que le temps nous rattrape et nous tourne vers d’autres occupations plus futiles. Mais peu importe, il y en aura d’autres. J’espère…

In vino veritas
Thomas

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