In Vino Veritas

Roumier et Vernay lors d’une Soirée 20 singulière

Il y a des soirées où rien ne se déroule comme prévu ! Je vous en parlerai mais avant tout concentrons-nous sur cette dégustation de trois vins qui ont tenu leur rang : Chambolle-Musigny 2006, Georges Roumier ; Côte-Rôtie Blonde du Seigneur 2007, Georges Vernay ; Château Clairac 2009, Blaye Côtes de Bordeaux. Idéal pour agrémenter un plateau de charcuterie dans un contexte très singulier…

 

Imaginez une dégustation prévue de longue date qui est chamboulée au dernier moment : même pas cela ne nous arrête ! Imaginez une soirée où les organisateurs présumés doivent foncer à la maternité pour procéder à l’accouchement de leur deuxième enfant, l’un des participants revient d’un week-end plus qu’arrosé, l’autre divague en plein décalage horaire après son retour de Taïwan et enfin le dernier souffre d’une extinction de voix ! C’est en résumé ce que nous avons dû affronter lors de la dernière Soirée 20… D’abord prévue dans la nouvelle maison de Lio, elle a dû être délocalisée en dernière minute chez notre ami Seb après que ce dernier ait pu rapatrier en urgence le plateau de charcuterie et le fromage que nous avions initialement prévu pour agrémenter notre Soirée 20 mensuelle !

Je dois dire que ce que nous avons réalisé dans ce contexte extrêmement cocasse relève de la performance. D’autant qu’il aurait été plus que dommage de remettre au placard les vins mystère que nous avions préparé. Nous arrivons tous (sauf Lio pour des raisons de paternité évidentes) chez notre hôte de secours et voici que la première bouteille mystère est déversée dans nos verres. Ce Chambolle-Musigny 2006 de Georges Roumier a une couleur rubis très claire, presque transparente ! On y verrait presque la vie en rose à travers cette robe d’une grande brillance et d’une belle clarté. Ses larmes sont fines et nombreuses. Le premier nez est porté par les fruits rouges avec une pointe d’épices. Il me fait penser à la fringance d’un Gamay de prime abord avant de gagner en complexité pour déployer toute sa classe et sa profondeur : cendre, baies rouges, champignon frais, girofle, fine pointe lardée, fraise. En bouche il poursuit son entreprise de séduction et évoque à la fois la fraise écrasée, les fruits noirs avec une belle pointe mentholée. La fraîcheur de bouche est remarquable et supporte des tannins encore acérés. Le tout gagne en puissance en fin de bouche avant de se prolonger longuement et avec élégance. Indéniablement un très beau vin, à pleine maturité, qui se caractérise par sa finesse et sa fraîcheur. Il donne toute la mesure de la gamme de ce producteur mondialement réputé. Il me tarde de goûter à tous les autres vins de Christophe Roumier…

La Côte-Rôtie Blonde du Seigneur 2007 de Georges Vernay ne se laisse pas intimider par son concurrent d’un soir. Issue de la Côte Blonde sur un terrain très accidenté, elle allie la Syrah à une petite proportion de Viognier (5%) conformément à la tradition. Son aspect grenat foncé au disque gras ne trahit aucun signe d’évolution. Le nez intense souligne encore des notes fruitées et juvéniles, à la fois de fruits noirs (mûre, cassis), de baies rouges (groseille) et d’épices (herbes séchées, poivre noir). L’évolution se fait sur une belle note de violette. La bouche soyeuse reprend ce registre aromatique. Les tannins sont frais et supportent justement la matière et la vitalité de cette Côte-Rôtie qui joue des coudes en fin de bouche avec des notes poivrées et minérales de plus en plus insistantes. En finale c’est la vanille qui s’impose ce qui suggère encore la marque de l’élevage de cette Côte-Rôtie puissante mais qui se fait peu à peu. Il s’agit de ma première bouteille de ce vin qui entre tout doucement dans sa phase de maturité. Son harmonie n’a égal que sa fraîcheur et sa gourmandise.

Pour terminer nous nous tournons vers le petit Poucet de la soirée à savoir le Château Clairac 2009, Blaye Côtes de Bordeaux. Composé à 75% de Merlot et complété de Cabernet Sauvignon, il s’affirme avec générosité autour de différentes nuances de cerise (griotte, burlat) et de mûre. Ce vin joue dans le registre de la maturité et de la gourmandise, pour preuve la ligne directrice de ses deux jeunes producteurs : « insuffler un style nouveau avec des vins plus gourmands »… Vous  imaginez donc aisément que ce millésime solaire fut grandement accueilli par ce Château. Mais j’avoue que le résultat n’est pas mal du tout : la bouche est fruitée, follement généreuse, presque tape-à-l’oeil ! L’équilibre du vin n’est pas vraiment pénalisé par cette recherche de gourmandise même si les tannins sont légèrement asséchants et la longueur respectable. Facile, classique et doté d’une belle buvabilité, ce vin est à son maximum en ce moment. Donnez-lui quelques grillades et il se livrera sans compter.

 

En somme le Château Clairac 2009 n’a pas été ridicule face à ces deux stars même s’il convient de remettre les choses dans leur contexte : à moins de 10€ il est difficile de rivaliser avec des vins qui sont produits avec des rendements plus faibles et une attention au détail plus extrême, et qui coûtent 4 fois plus cher ! Mais précisons tout de même qu’à la fois le Chambolle-Musigny 2006 de Roumier et la Côte-Rôtie 2007 de Vernay ont tenu leur rang de star, ce qui est aussi à souligner. Une dégustation qui aura fait le grand écart donc !

D’ailleurs en parlant de grand écart : il y a fort à parier que la Soirée 20 du mois prochain ne virera pas autant dans l’extrême. Enfin on ne sait jamais…

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