In Vino Veritas

Un week-end aux vins moyens

Ma vie de dégustateur n’est pas toujours faite de vins exceptionnels. Malgré son pedigree et un souvenir impérissable, j’ai goûté ce week-end la dernière bouteille de Tokay Pinot Gris Vendanges Tardives 1983 de Léon Beyer, à côté d’un Crémant d’Alsace du Domaine Boesch. Compte rendu…


Après une semaine passée encore très vite, nous nous retrouvons en couple chez Audrey et Yannick pour une soirée plus que conviviale. Au programme, la distribution des si convoités faire-part de mariage. Je peux vous dire qu’à l’intitulé du repas, on préfère être de la partie que d’avoir reçu les faire-part par la Poste… Donc je disais : duo de foie gras, pomme caramélisée ; moelleux au chocolat et cannelle, glace cannelle ; tarte au citron.

Nous commençons la dégustation par un Crémant d’Alsace du Domaine Boesch à Soultzmatt. Je suis toujours admiratif de la qualité que produit ce Domaine, et ai eu à plusieurs reprises l’occasion de le dire à Matthieu Boesch, grand Ami de mon ami Fabrice du Monde du Vin. Quoique parfaitement constitué (techniquement parlant) avec une fine acidité, une fraîcheur et une longueur remarquable, c’est son expression stricte qui me convient beaucoup moins. Avec des notes de raisins secs, de métal, d’agrumes, il est trop masculin et manque d’élégance à mon goût. Seb n’est pas un accroc des vins à bulle ; pourtant ce vin lui a beaucoup plu, et à Yannick aussi selon toute vraisemblance. Pour ma part, je rejoins l’avis des filles qui le trouvent trop austère, trop rustique. Peut-être que l’accompagnement ne le met pas vraiment en valeur. Je vous conseillerais de l’essayer sur de la friture de poissons, ou un poisson d’eau douce en papillote. Il est possible qu’il s’exprime alors en adéquation et offre donc plus de plaisir. Un avis contrasté, donc pas de note !

Seb et Yannick connaissaient le vin de la soirée. Pour ma part, j’ai choisi de le deviner. Difficile, d’autant plus que j’ai dû ouvrir la bouteille les yeux fermés afin de ne pas voir l’étiquette. Mais connaissant beaucoup de bouteilles de la cave de mes amis, j’ai pu retrouver la source en retirant le bouchon d’un certain âge de la bouteille. Frétillant d’envie à l’idée de regoûter ce Tokay Pinot Gris Vendanges Tardives 1983 de Léon Beyer qui m’avait laissé un magnifique souvenir il y a plus de deux ans lors de notre Afterping de Noël (voir par ailleurs), je dois dire en toute honnêteté qu’il fut bien moins à l’aise cette fois-ci. Soit un vieillissement prématuré, soit une légère déviation aromatique. Sans préparation particulière (pop & pour), il offre toutefois une couleur plutôt juvénile, cristalline, jaune or pâle aux reflets brillants. Le nez s’ouvre sur des notes discrètes de fruits confits, avant que des notes tertiaires ne prennent le dessus, et donnent une indication sur l’âge de ce vin. 1983 fut un millésime magnifique en Alsace, en particulier pour les vins issus de vendanges tardives. Celui-ci en a la puissance, mais se montre bien plus amer, plus strict que son équivalent dégusté deux ans et demi auparavant. Quoique minéral, ce sont cette acidité et cette amertume exagérées qui lui sont préjudiciables. Alors peut-être s’agit-il d’un problème de conservation depuis son achat chez Beyer en 2006, un excès de température ou un manque d’humidité dans la cave, en tous cas il convient de remarquer que malgré son opulence, ce vin d’un certain âge demande une conservation parfaite. Dommage car le duo de foie gras aux pommes était original, avec cette alliance entre un foie gras traditionnel et je dirais une terrine plus conventionnelle.

Place aux desserts qui sont eux tout aussi réussis, alors que je poursuis mon analyse sur le souci de cette bouteille de Pinot Gris 1983. Et malgré mes espérances, il ne se révèlera pas davantage et laissera donc planer le mystère quant aux raisons de son médiocrité. Avec Seb, nous fumes tant interpellés par ce vin que ce petit salaud de Yannick s’est bien gardé de nous dire qu’une bouteille de Château Rieussec 1981 nous attendait en back up dans le frigo… C’est balot non ? En guise de vengeance, Jess, Seb et moi terminons la soirée par un compte-rendu partiel de notre virée entre hommes à Côme et Lomazzo en Italie lors du week-end dernier, avec encore quelques zones d’ombre à éclaircir pour certains…

En somme, une soirée bien sympathique au cours de laquelle nous avons pu mêler sourires, plaisir gustatif, avec déception quant à ce Tokay Pinot Gris Vendanges Tardives 1983 de Léon Beyer qui je suis sûr aura encore l’occasion de briller sur de nombreuses tables dans les prochaines années pour les heureux chanceux qui en conservent encore dans une bonne cave.

Merci à Yannick et Audrey pour cette invitation solennelle à un évènement si important de leur vie de couple. En même temps, ils n’avaient pas le choix puisque je suis un de leurs témoins. Pas de chance…

In vino veritas
Thomas

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