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Dîner de rêve au Crocodile

Par 1 juillet 2008Non classé

Vous le connaissez tous, le restaurant Au Crocodile est une institution starsbourgeoise, celle qui m’a procurée certaines de mes plus grandes émotions gatsronomiques. Au cours d’un week-end ensoleillé et très plaisant, j’ai pu goûter à un dîner concocté de main de maître par Emile Jung et accompagné de grands vins choisis par (Monsieur) Gilbert Mestrallet : Champagne Gosset Brut Excellence ; Tokay Pinot Gris Vendange Tardive 2004, Pierre Sparr ; Beaune Premier Cru « Clos des Mouches » blanc 2005, Domaine Drouhin ; Gevrey-Chambertin 2002, Domaine Thierry Mortet ; Gewürztraminer « Kritt » 1988, Marc Kreydenweiss.


Avant toute chose, merci ! Merci de votre accueil toujours aussi chaleureux, de votre service parfait et vos nombreuses attentions. Vous nous avez servi un dîner 3 étoiles, de par la richesse gustative des plats, avec des accords subtils mais de caractère, et des vins superbes. Je m’explique…

Après une journée de soldes éprouvante, nous poussons la porte vitrée du restaurant vers 19h30 avec entrain et une certaine excitation à la recherche de nouvelles émotions gustatives. A peine assis à table que nous salués par la brigade du restaurant, pour le compte duquel j’ai effectué plusieurs missions de communication sous la bienveillance de Monique Jung et de mon ami Axel. L’apéritif nous est servi, un Champagne Gosset Brut Excellence qui porte bien son nom. Finesse d’arômes et distinction au nez, on ressent un Champagne noble. L’attaque est fine, magnifique, avec de la matière et du volume. En bouche, on retrouve des notes d’amande, un subtil boisé vanillé et une trame acide fine. Malgré sa matière, il est moins exhubérant que bien d’autres grandes cuvées (Laurent-Perrier, Bollinger). Magnifique équilibre, longueur et finesse en fin de bouche. Superbe ! IVV : 91-92/100.

Après moult réflexion, nous décidons de prendre le Grand Menu (le Menu d’Agrément) sous les conseils du Directeur de Salle, Monsieur Gerber qui confiant nous assure que ces 9 plats ne sont de trop pour combler un appétit « normal ». Après plusieurs amuse-bouche dont la désormais célèbre cuiller menthe-citron refoidie à l’azote liquide qui ouvre l’appétit de manière remarquable, nous goûtons au Foie de canard grillé aux pommes golden, jus d’agrumes au gingembre. La cuisson est divine et les accords sont parfaits : tout d’abord avec les pommes fondues, les agrumes légèrement relevés d’une touche de gingembre, cette graine de poivre rouge sur la pomme caramélisée, puis avec le Tokay Pinot Gris Vendange Tardive 2004 du Domaine Pierre Sparr. Son exhubérance, sa richesse du fruit (pêche, mangue, abricot, ananas, etc.) donnent l’accord parfait. L’ensemble est un délice. Le vin est gras, riche et porté par une acidité faible. C’est un vin de plaisir immédiat, une bombe fruitée. Long et équilibré, c’est un exemple de cuvées classiques toujours réussies chez Sparr. Du plaisir ! IVV : 89/100.

Le bar de ligne au curcuma et coulis de manioc aux pousses d’épinards est cuit sur peau et est assez peu assaisonné. De fait, l’accompagnement fait de pousses d’épinards et la sauce relevée mettent le poisson en relief. La chair pure du poisson associée à une sauce de caractère, voilà ce qui caractérise toute l’intelligence du Chef. Et que dire des grosses langoustines et purée de courgettes, vinaigrette à la brunoise d’artichaut et basilic ! Quelle émotion : les crustacés sont parfaitement préparés, leur chair est fondante, l’accompagnement est de caractère. Rien est laissé au hasard : même cette feuille de basilic croustillante nous émoustille les papilles de par sa force de goût. Tous nos sens sont en éveil ne serait-ce qu’à la dégustation de ces deux plats. Et voici que le Beaune Premier Cru « Clos des Mouches » blanc 2005 du Domaine Drouhin vient nous exhalter de par sa perfection. La robe est or pâle brillant, avec un jambage fin sur les bords du verre. Au nez, quelle complexité : noisette, noix, amande puis à l’aération agrumes, pêche, encaustique et une pointe minérale qui apporte une magnifique touche de finesse et de fraîcheur. Certes c’est une demi-bouteille, mais un nez d’une telle accessibilité sur un 2005 est surprenant. L’attaque est vive, avec une belle acidité puis plus d’ampleur en milieu de bouche. Beau gras et boisé très fin. Quel équilibre, cette trame acide confère longueur et profondeur à ce vin exceptionnel. Très émouvant, il permet des accords divins sur ces langoustines d’un fondant unique. IVV : 94-95+/100. Une émotion rare nous gagne !

Le consommé de queue de boeuf et sa raviole reprend le fondant du plat précédent et nous fait basculer tout en douceur vers la viande. Une transition de toute beauté, avant que nous soit servi le Gevrey-Chambertin 2002 du Domaine Thierry Mortet. Ce grand Bourgogne épanoui malgré son jeune âge offre une maturité du fruit digne d’une Syrah. Au nez, le fruit rouge mûr se décline en notes de mûre, cassis, framboise, groseille, avant qu’une touche fauvée et de sous-bois nous rappelle que ce Village est issu d’un grand terroir : champignon, sous-bois, cuir, humus. Belle minéralité. En bouche, l’attaque est ronde, le boisé discret enrobe le tout et développe un soyeux presque étonnant pour un Gevrey. L’équilibre est sublime et cette finesse remarquable nous fait penser à un millésime comme 2002. La finale est longue, légèrement tannique et sur le fruit rouge. Légère minéralité, long, superbe. IVV : 93/100. Le mariage avec la côte d’agneau rôtie et lait d’ail, tian de légumes confits et fougasse à la tomate est divin. Grande côte d’agneau grillée sur le dessus et fondante à coeur, le tian de légumes confits nous conduit dans le Sud grâce à sa fraîcheur et la qualité de l’huile d’olive qui l’assaisonne. Et la fougasse à la tomate à peine cuite nous transporte dans une boulangerie italienne grâce à sa texture douce et farinée. Que dire ! L’excellence à tous points de vue.

Il me reste un peu de Clos des Mouches pour accompagner le Brebis demi-sec et le Comté jeune, avant que le Gevrey ne s’essaie brillamment sur le Saint-Point.

Pour finir, la pêche poêlée au romarin, glace au lait d’amande est rafraîchissante. L’amande en glace ajoute une dimension de douceur et de fraîcheur et tranche judicieusement avec la force du romarin. Le Gewürztraminer « Kritt » 1988 de Marc Kreydenweiss nous est servi pour accompagner de belle manière ce dessert. D’une couleur dorée claire aux reflets bruns, il montre des signes d’évolution. Le nez aux senteurs d’épices douces développe à l’aération des notes d’agrumes confits, de pêche et de mangue cuites. Une touche minérale a supplanté la sucrosité de ce vin qui au fil des années a englouti son sucre. L’équilibre est sec, les arômes confits et cuits évoluent sur la banane, la vanille, puis des notes boisées et d’orange confite, à la manière d’un Cognac. Légèrement alcooleux en finale, il n’en est pas moins long, puissant et finit sur une note minérale. La gourmandise de fraises et macaron au citron vient refermer cette longue parenthèse gourmande de manière très rafraîchissante.

Je vous l’ai dit dès le début de ce commentaire, nous avons pu nous délecter devant ce magnifique Menu de saison préparé de main de génie par Emile Jung et toute sa brigade.
Je viens de rendre compte de l’un de mes plus beaux repas : l’ordre des plats, le choix des ingrédients, la justesse des accords et les cuissons remarquables sont autant d’indicateurs de la qualité irréprochable de mon 3 étoiles de coeur. Mille mercis à Gilbert Mestrallet et Lionel Neyner pour le choix des vins et leur sympathie, à Emile Jung toujours aussi placide et jovial et à toute l’équipe du Crocodile. Je me ferai un plaisir de revenir goûter votre nouveau Menu Europe dès que l’occasion m’en sera donnée.

Gastronomiquement vôtre !
Thomas