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Pinots Noirs d’Alsace

Par 13 janvier 2009Non classé

Petite synthèse d’une dégustation à la redécouverte des Pinots Noirs d’Alsace. Avec des pièges, une révélation et quelques déceptions : Crémant de Bourgogne Blanc de Noirs 2002, Bailly-Lapierre ; Pinot Noir Tradition 2005, Domaine Léon Boesch ; Spätburgunder trocken Britzinger Rosenberg « St Jacobus » 2004, Weingenossenschaft Müllheim-Britzingen, Marktgräflerland ; Pinot Noir Cuvée Frédéric 2005, Domaine Becht ; Pinot Noir « Grand H » 2002, Domaine Albert Mann ; Pinot Noir Burlenberg 2001, Domaine Marcel Deiss.


On dit souvent, même en Alsace, que le Pinot Noir est un vin de soif, sans prétention. Voici sans doute la motivation de cette dégustation organisée par mon père et moi pour des amis de la famille… Au cours de cette soirée, je n’ai malheureusement pas pris de notes, mais ne vous inquiétez, ma mémoire sensorielle va tenter de vous retranscrire le meilleur (et le pire) de cette dégustation.

Alors pour débuter, rien de mieux qu’un vin effervescent pour se faire la bouche. Afin de se lancer pleinement dans le thème, j’ai idée d’ouvrir un Crémant de Bourgogne Blanc de Noirs 2002 des Caves Bailly-Lapierre. D’emblée, il me vient le souvenir de notre visite dans ces immenses galeries calcaires du Chablisien dans lesquelles nous avons pénétré en voiture. Ces caves offrent des vins qui ont excellente réputation, comme par exemple ce Blanc de Noirs millésimé de caractère. La qualité des raisins du millésime se retrouve en bouteille avec une bulle active, un bel équilibre et une grande élégance. Belle jeunesse pour ce vin rafraîchissant qui joue parfaitement son rôle d’apéritif et se révèle très bien sur de la charcuterie comme le jambon de Parme ou le saucisson.

Nous continuons avec une confrontation de deux vins de cépage… avec un piège, servis sur un rondin de veau aux cèpes et tagliatelles fraîches. L’accord fut parfait avec les deux vins suivants. Tout d’abord un Pinot Noir Tradition 2005 du Domaine Léon Boesch, aujourd’hui tenu par le jovial et sympathique Matthieu Boesch. Adepte d’agriculture biologique et fervent défenseur de la biodynamie, il offre un Pinot Noir plein, généreux, dans un millésime bien mûr. Des notes de fruits mûrs (cerise noire, fraise cuite) ainsi qu’une touche de bois et de chocolat viennent accentuer la sensation gourmande. L’équilibre reste excellent, les tannins sont fondus et la finale longue. Un Pinot Noir de tout premier ordre, qui met l’accent sur le cépage.
Il est opposé à une des mes révélations venue d’outre-Rhin : Spätburgunder trocken Britzinger Rosenberg « St Jacobus » 2004, Weingenossenschaft Müllheim-Britzingen, Marktgräflerland Découvert il y a environ deux ans lors d’un repas au Restaurant Die Mühle à Binzen (Baden-Württemberg), il est toujours au top. Il offre cependant une orientation plus internationale, plus exotique à un Pinot Noir français, si bien que de nombreuses personnes se dirigent à juste titre vers l’Afrique du Sud qui offre des styles similaires de Pinot Noir. De prime abord plus subtil au nez que le vin précédent, il se distingue en bouche par un côté plus épicé (poivre, camphre, curry) avec une note évidente de barrique (notes toastées), qui lui offre a posteriori plus de caractère. Il reste cependant dans l’esprit du Pinot Noir (arômes de cerise, de petits fruits rouges et de fleurs séchées) avec une finale ferme mais longue et profonde. Une recommandation toute particulière à moins de 15 €.

Le vin suivant est servi seul, car dès l’ouverture, j’ai remarqué que son style se démarquait carrément de tous les autres ! Carafé trois heures à l’avance, le Pinot Noir Cuvée Frédéric 2005 du Domaine Becht à Dorlisheim est un Pinot Noir vraiment différent. Certainement car il ne se rapproche d’aucun autre style, ni étranger ni bourgignon. Ce vin rouge élevé en barrique est d’une couleur grenat soutenue presque impressionnante pour un Pinot Noir. Il offre une structure généreuse, des tannins intenses et des arômes complexes de cassis. La barrique est intégrée à l’ensemble et libère des notes légères de café et de charbon. Chaleureux, si proche d’une Syrah, il offre assurément quelque chose de jamais vu. Concentré, généreux, long en bouche, presque sanguin. Si alsacien finalement ! A carafer maintenant ou à garder jusqu’en 2010. Bravo !

Servis avec trois fromages de notre ami Antony (un Coulommiers, un Pont-l’Evêque et un Saint-Nectaire) les deux stars de la soirée ont connu des sorts différents. Le Pinot Noir « Grand H » 2002 du Domaine Albert Mann est un vin de terroir par excellence, issu du Grand Cru Hengst. Puisque la législation interdit de faire porter la mention Grand Cru aux Pinots Noirs, les frères Barthelmé ont eu l’astuce d’apposer la lettre « H » à ce vin, tout comme ils le font pour le « Grand P » dont les vignes se trouvent sur le Grand Cru Pfersigberg. A la dégustation de ce « Grand H » on ressent que cette démarche a du sens. Car le Pinot Noir se pare de ses plus beaux atouts pour nous offrir un ensemble élégant et subtil. Carafé trois heures auparavant et servi dans des grands verres Riedel Burgundy, il est de couleur rubis avec une légère évolution. Les petits fruits rouges laissent leur place à un ensemble plus tertiaire de sous-bois et de musc avec une pointe épicée. Tout se retrouve au palais après une attaque légère. L’acidité porte un ensemble fragile mais élégant et complexe. Plusieurs dégustateurs pensent à un Bourgogne, personnellement je m’oriente volontiers sur un Morey-Saint-Denis, quoique le vin n’en a pas la structure. Il n’en reste pas moins un belle preuve qu’un grand terroir alsacien peut produire un grand Pinot Noir.
Car le Pinot Noir Burlenberg 2001 produit par Jean-Michel Deiss nous a énormément déçu. Difficile de décrire ce vin, car il semblait bien que celui-ci ait un défaut. Pourtant à l’ouverture, le tout semblait bien prometteur. Avant cette dégustation, j’étais resté sur ma faim avec le Burlenberg 2002 dégusté l’automne dernier (voir par ailleurs). Il faut croire que ce vin ne me réussit pas : les notes tertiaires de fumée, de fumier, de terre et de sous-bois n’arrivaient pas à cacher cette pointe acide désagréable. Tout comme en bouche où le fruit avait laissé sa place aux pruneaux, à la rouille et aux arômes tertaires du nez. Mais c’est avant tout cette acidité volatile qui interpelle, si bien que le tout agresse l’estomac… Une énorme déception même sur les 4 jours suivants, pendant lesquels j’ai tenté de redonner une chance à ce célèbre vin d’Alsace. A 31 € la solution vinaigrée, je suis perplexe mais au vu du talent de Jean-Michel, j’ose espérer que c’est initialment la bouteille qui est défectueuse, et non son contenu.

A l’heure de décerner la palme du meilleur Pinot Noir de la soirée, les choix sont difficiles. En effet, il est compliqué de classer des vins dont les objectifs ne sont pas les mêmes : faut-il privilégier les vins de cépage ou de terroir ? Quoi qu’il en soit, je resterais sous le charme de la Cuvée Frédéric de Becht, du Pinot Noir Tradition de Matthieu Boesch et du « Grand H » des frères Barthelmé, avec une pensée pour notre vin fantôme, ce superbe St Jacobus 2004.
Pour finir, je dois aussi vous donner mon avis sur les verres qui ont servi à la dégusation. Je pense sincèrement que les Riedel Burgundy n’ont pas été les meilleurs alliés des trois derniers vins. Je cherche pas d’excuses au Burlenberg de Deiss, mais je pense que les deux vins précédents auraient tout aussi bien tenu la comparaison dans des verres à Alsace classiques. Surtout suivant un long carafage, je pense que des larges ballons à Bourgogne ne sont pas d’une grande utilité car il laissent fâdir ces Pinots Noirs d’Alsace, plus fragiles, beaucoup plus vite.

Un grand merci à tous les participants, à mon ami Fabrice du Monde du Vin qui malgré une période très chargée à trouvé le temps de me conseiller et ma mère pour des accords mets-vins absolument parfaits.

Vive le Pinot Noir alsacien !
Thomas