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Quand les Pinots créent la surprise…

Par 17 juin 2014Non classé

Une Soirée 20, 4 Pinots tous déroutants par leur provenance et leur style, voilà ce qui attendait mes amis pour une dégustation qui en a surpris plus d’un ! Nous nous sommes retrouvés au frais dans ma cave pour goûter, à l’aveugle, au quatuor suivant : Pinot Blanc Elevé en Barrique 2012, Albert Mann ; Marsannay blanc 2006, Domaine Fougeray de Beauclair ; Pinot Noir d’Alsace Burlenberg 2008, Domaine Marcel Deiss ; Pinot Noir d’Alsace Burlenberg 2004, Domaine Marcel Deiss. Avec quelques suprises au rendez-vous !

 

Les chaleurs étouffantes de la semaine nous auraient bien dissuadé de faire une dégustation ce soir-là ! Encore groggy par des températures dignes du désert dubaïote, j’espérais au fond de moi pouvoir réunir mes amis pour faire une dégustation de pinots qui me trottait dans la tête depuis quelques temps déjà. Et c’est chose faite en ce vendredi soir : le thermomètre descend tout doucement vers une température convenable à la dégustation de vins rouges et d’un plat chaud…

Il est 19.30 quand les premiers arrivent. Malgré des conditions plus agréables à la dégustation de vin, l’importance de servir les bouteilles à la bonne tempérture est on ne peut plus essentielle. D’ailleurs si vous buvez du vin en cette saison, n’oubliez pas de servir des petites quantités dans les verres (car le tout augmente chauffe très vite) ainsi que de maintenir tous les vins au frigo ou dans une glacière pour réguler au mieux leur température… Bref revenons-en à ce premier vin que Seb et moi avons débouché dans l’attente des autres invités : le Pinot Blanc Elevé en Barrique 2012 d’Albert Mann exhale des notes complexes de fleur de bière, de levure et de fumée rehaussées de petites baies blanches (églantine, groseille blanche). La bouche est fraîche, aérienne et dotée de belles nuances de fruit blanc (poire, pêche blanche) superbement enrobées d’un boisé fin et discret. Un fond lacté confirme cette sensation veloutée, ce superbe vin est idéal pour débuter cette expérience, sa finale reprend le fruit blanc et se prolonge longuement tout en laissant une belle fraîcheur salivante. Evidemment beaucoup peuvent tomber dans le panneau du Chardonnay de Bourgogne, c’est pourquoi je vous recommande de placer ce vin contre un Côte de Beaune blanc pour surprendre tout le monde ! Une réussite, bravo !

Le deuxième vin blanc de la soirée est une autre curiosité faite à partir de Pinot Beurot à savoir le Marsannay blanc 2006 du Domaine Fougeray de Beauclair. Cette dernière bouteille de ce vin étonnant acheté au domaine en 2009 (voir par ailleurs) est issu d’un cépage rare de cette région viticole qui s’est peu à peu identifiée au seul Chardonnay. Mais n’oubliez pas que d’autres cépages ont fait la renommée de la Bourgogne, plus particulièrement l’Aligoté ou le Pinot, dans sa variété blanc, gris ou Beurot… Après plusieurs années de garde il était temps de faire honneur à ce Marsannay qui révèle des notes oxydatives évidentes à ce stade : la pomme au four domine, le caramel est intense et la banane flambée au rhum met l’eau à la bouche. C’est un vin chaud, gras, presque envahissant car très mûr. Son effet patiné reprend les arômes du nez. Comprenez donc qu’à l’aveugle il est très difficile de mettre un nom sur ce vin joyeux mais énigmatique car dénué de quelconque attachement à un terroir. Il s’agit avant tout d’une expérience, d’ailleurs Sébastien pourrait épiloguer bien longtemps sur les bienfaits de cette bouteille ! A boire pour lui-même, à essayer sur un foie gras poêlé ou à garder (comme nous) pour accompagner une glace vanille-caramel au beurre salé…

 

Je poursuis avec les vins pièges ! Ceux d’entre vous qui connaissent le Burlenberg du Domaine Marcel Deiss à Bergheim comprendront que Jean-Michel et Matthieu Deiss travaillent ce terroir géologiquement proche d’une Côte de Nuits dans la plus pure tradition des Pinot Noirs bourguignons. Je vois encore les yeux surpris de Lionel au moment où je dévoile le Pinot Noir d’Alsace Burlenberg 2008 du Domaine Marcel Deiss qui accompagne idéalement un filet mignon de porc à la savoyarde. Dès le premier nez, ce vin apparaît épais, puissant et sauvage : des notes animales, la poussière, le cuir et la viande séchée apparaissent avec une touche minérale fumée qui réapparait au palais. Le terroir du Burlenberg s’exprime au palais : toute sa minéralité, sa tension mêle le fruit mûr et la fumée de cette terre brûlée. 2008 fut un millésime plutôt froid propice à l’expression minérale de ce vin auquel on peut reprocher un manque de fond mais personnellement je le trouve extrêmement digeste et moins massif que de coutume. Peut-être avons-nous aussi affaire à un changement de style car ce millésime fut le premier vinifié par Matthieu Deiss. Vous pourrez retrouver ici ma première note de ce vin lors des Portes Ouvertes du Domaine en 2013 tout comme celle du Pinot Noir d’Alsace Burlenberg 2004 que nous goûtons dans la foulée…

Burlenberg 2004Pour en revenir à ces dégustations au Domaine, j’ai toujours eu un peu de mal à me passionner pour les vins rouges de Jean-Michel et Matthieu Deiss lors de Portes Ouvertes : peut-être que ces vins rouges bruts et virils sont moins propices à la dégustation seule, cependant je fus absolument conquis par le Pinot Noir d’Alsace Burlenberg 2004 du Domaine Marcel Deiss à table… D’emblée moins accessible que son cadet de 4 ans il est extrêmement profond et marqué par la terre, le cuir et la réglisse ainsi que les fruits rouges mûrs ! Vous savez peut-être que Jean-Michel Deiss a récemment développé la dégustation géo-sensorielle qui consiste à déguster chaque vin en verre noir, comme le faisaient nos aïeux dans l’obscurité de la cave afin de sélectionner les meilleurs cuvées. En somme c’est comme si ce vin de terroir vous emmène dans l’obscurité d’une forêt d’automne et vous invite à vous reposer au coin d’un brasier encore fumant… La bouche envoie d’emblée un premier élan d’une matière juteuse qui s’amplifie peu à peu tout en étant supportée par des tannins incisifs et frais. L’équilibre est trouvé ! Le fruit noir est juteux, la réglisse étire le tout jusque dans une finale longuement salivante. Ce vin est simplement excellent : à la fois sauvage et corsé, il commence à se livrer pleinement après 10 ans de garde. Et il en a encore pour autant devant lui ! Superbe !

 

Avant de terminer ce commentaire je ne résiste pas à l’idée de partager la phrase de cette soirée qui faisait référence au dernier vin dégusté à l’aveugle (à savoir le Burlenberg 2004) par rapport au Burlenberg 2008 déjà dévoilé. Son auteur se reconnaîtra : « Le petit Bourgogne a éclaté l’Alsace à 28€, c’est un grand ! »

In vino veritas