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Quand Montrose rencontre Yquem

Par 23 mai 2010avril 21st, 2013Non classé

Cette soirée de gala était prévue de longue date chez mon ami Lio avec qui j’ai acquis en copropriété Château Montrose 2004, 2ème Cru Classé de Saint-Estèphe et Château d’Yquem 2002, 1er Cru Supérieur de Sauternes. A côté de ces deux chefs d’oeuvre, un superbe Champagne Cristal 2002 de Louis Roederer et Château Smith Haut-Lafitte 2002, Pessac-Léognan blanc complètent ce tableau prestigieux.


Après plusieurs tentatives avortées pour organiser cette soirée, nous nous retrouvons enfin pour découvrir plusieurs grands vins tous les deux et les partager avec Célia, notre charmante hôte et grande cuisinière, mon ami Yannick qui espérait enfin un infime moment de bonheur en ces temps difficiles, et José, vigneron émérite basé au pied du prestigieux Grand Cru Zinnkoepfle de Soultzmatt et ami de la famille. Ca y est, le décor est planté.

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Il ne nous reste plus qu’à nous installer, discuter des nombreuses actualités et nous rafraichir autour de verrines originales préparées par amour par Célia. Avec Lio et Yannick, nous avons longuement réfléchi aux deux vins qui pourraient accompagner deux poids lourds du nom de Montrose et d’Yquem. Alors que Lio avait initialement évoqué un Champagne Laurent Perrier Brut N.M., c’est là qu’il me dégote de derrière les fagots un grand nom qui a toute sa place dans les mythes de la Champagne à savoir le Champagne Cristal 2002 de Louis Roederer. Elaboré à partir de 55% de Pinot noir et 45% de Chardonnay classés en Grand Cru, dont 20% de vins vinifiés sous bois (foudres de chêne), ce Champagne dégage déjà une large palette d’arômes grillés dès l’ouverture de la bouteille. D’apparence jaune clair aux reflets or, sa bulle se fait très discrète, d’ailleurs aucun cordon n’est décelable. Comme évoqué précédemment, des arômes grillés complexes se dégagent du verre (biscotte, pain grillé, vanille, amande grillée, paille) avec une évolution intense sur les fruits confits, la poire et la pomme reinette. L’attaque est pure, vineuse avant que des arômes grillés-toastés et de fruits jaunes mûrs ne se déclinent à l’unisson au palais. Le tout gagne en ampleur et en volume à en devenir presque entêtant, avec une finale beurrée complétée d’une pointe d’agrumes. La bulle est fine et frétille discrètement en apportant cette dimension de fraîcheur et d’élégance digne d’un grand Champagne. Un début en fanfare qui nous interpelle tous, d’autant que cette bouteille de légende à l’origine de nombreuses anecdotes liées au Tsar de Russie vient contribuer au mythe Cristal. Mais rassurez-vous, le contenu vaut bien plus que le contenant pour nous amateurs de vin. IVV : 94/100.

Nous passons à table en attendant la papillote de cabillaud et saumon, riz sauvage et sauce hollandaise qui accompagnera le Château Smith Haut-Lafitte 2002, Pessac-Léognan blanc. Au moment de déboucher la bouteille, je retrouve ces notes de tilleul et de chlorophylle typiques d’un Pessac-Léognan blanc. Assemblé avec une majeure de Sauvignon blanc auquel viennent s’ajouter une infime proportion de Sauvignon Gris (5%) et de Sémillon (5%), ce vin arbore une couleur jaune déjà évoluée aux reflets or. Le premier nez est riche en fruits exotiques (mangue), orange confite et pamplemousse avant que nous y trouvons un côté lacté faisant penser à la malolactique. La bouche est déjà évoluée mais garde une belle ampleur sur des notes secondaires de céréales, de noix, de vanille et d’huile de lin. Le tout pêche légèrement par son manque d’acidité et de fraîcheur mais s’associe bien au plat et à la sauce. La finale est boisée, un peu déliée avec le temps. Unanimement nous sommes d’avis que ce vin est à boire, ou tout du moins à regoûter dans un futur proche car malheureusement, il n’est pas à la fête ce soir. IVV : 83-85/100.

Les deux stars de la soirée entrent désormais dans l’arène avec la ferme intention de nous faire vibrer. Tout d’abord le Château Montrose 2004, 2ème Cru Classé de Saint-Estèphe vient accompagner le traditionnel plateau de fromages de Jean-François Antony. A cette occasion, il convient de remercier Yannick de nous avoir concocté cette blind selection étant donné qu’il ne connaissait rien au programme de la soirée… Coulommiers, Tamié et Comté ont donc pour but de mettre en valeur ce grand vin de Bordeaux qui entre à peine dans l’adolescence. La robe est d’un grenat foncé et profond avec une belle brillance. Passé en carafe et quelque peu malmené avant le service, il n’en demeure pas moins puissant, sur les fruits rouges, la liqueur de cerise, l’encre et la myrtille avec une évolution tardive sur le moka à l’image de son assemblage à dominante Merlot (75%). Nous retrouvons une belle matière en bouche, avec des tannins puissants et cette liqueur de cerise salivante. Le toucher de bouche devient de plus en plus élégant à l’aération et offre un ensemble certes jeune avec une belle mâche, mais superbe de persistance et de profondeur en finale. Par ailleurs, ce vin se distingue par une minéralité toute particulière et rafraichissante en raison de l’exposition du vignoble de Montrose tout proche de la Gironde. Associés à la fraîcheur d’un millésime comme 2004, cette minéralité et cet équilibre en font un ensemble classique à l’équilibre de Seigneur qui n’a pas d’équivalent à Saint-Estèphe, Cos d’Estournel étant beaucoup plus exotique et plus masculin à mon avis. Bravo ! IVV : 94/100.

Nous clôturons cette soirée de prestige avec la cerise sur le gâteau, le Vin parmi les vins en accompagnement d’une panna cotta de mangue et salade de mangue aux amandes grillées. En effet, Château d’Yquem 2002, 1er Cru Supérieur de Sauternes est vraiment un vin unique. Il suffit de relire mon carnet de notes pour constater que seule la description d’Yquem nécessite une page entière ! Tout d’abord cette couleur or si majestueuse, cette « lumière bue » comme le disait Frédéric Dard ne peut que nous enchanter. Cette palette d’arômes si large et si complète d’agrumes confits, de pâte de fruits (mangue, pêche jaune), de confiture d’oranges amères associée à un élan de fraîcheur certes propre au millésime 2002 (tilleul, thé vert) ne nous offre qu’un aperçu de la complexité de ce vin. L’évolution sur le miel d’acacia, les épices (anis, cardamome), le coing et légèrement sur les fruits rouges attestent d’un botrytis parfait. L’attaque en bouche est d’une fraîcheur cristalline et préfigure une explosion de saveurs riches en fruit jaune confit, en abricot et en mirabelle gorgées de soleil. Grande liqueur avec une élégance toute particulière qui témoigne d’une belle douceur et d’un toucher de bouche soyeux. Le boisé sous-jacent supporte cet ensemble chaleureux jusque dans cette finale profonde qui laisse une grande marque. La fin de bouche est persistante mais sans excès, sur l’orange amère et le fruit confit. Cet Yquem est d’une cohérence symétrique du début à la fin et se distingue ainsi par son grand classicisme. Il vous laisse cette sensation de plénitude digne des plus grands, celle qui vous procure une joie et un plaisir sans nom. Mon Dieu quel Grand Vin, quelle émotion ! IVV : 96-97/100.
Certes moins opulent que des Yquem issus de millésimes plus recherchés, il se caractérise tout de même par une complexité, une fraîcheur et une douceur aguichantes et peut être approché dès aujourd’hui même si cette bouteille fut ouverte près de 10 heures à l’avance…

Les mines ravies et émues de tous les dégustateurs de cette soirée attestent d’une réussite totale, tant au niveau des vins que des plats servis en accompagnement. Merci à tous pour cette soirée si appréciable qui fait passer l’histoire d’un instant tous les soucis de la vie quotidienne pour de simples futilités.

In vino veritas
Thomas