C’est la soirée que tous les membres attendent, le couronnement d’une année entière de dégustation. La Soirée Prestige de la FCVF nous a fait vibrer sur des grands noms et des vins de prestige de la vallée du Rhône. Entre Chapoutier, Guigal, Jaboulet, Bonneau, Beaucastel et bien d’autres, revivez avec moi cette grande soirée de dégustation. Avec en prime une petite surprise au doux nom de Château Rayas 2006…
C’est une de ces soirées que je ne raterais pour rien au monde, enfin… Seb en aura décidé autrement puisqu’il a préféré consacrer sa soirée à bricoler dans sa demeure. Remplacé au pied levé par un Benoit qui n’en demandait pas tant, nous nous rassemblons tous ensemble dans la salle de dégustation de la Closerie, le siège de la FCVF (Fédération Culturelle des Vins de France).
L’assemblée ne tarde pas à arriver et presque tout le monde est à l’heure pour attaquer ce thème de prestige. Nous sommes environ une quinzaine de dégustateurs dans les starting-blocks pour cette soirée où neuf vins du Rhône seront servis, deux vins blancs et sept vins rouges (3 Rhône et 4 Rhône Sud). Le 1er blanc place déjà la barre beaucoup plus haut que dans toutes les autres dégustations de l’année car il s’agit du Condrieu « Les Grandes Chaillées » 2009 du Domaine du Monteillet. Sa couleur or pâle et l’intensité de la robe invitent à la dégustation tout comme son nez plein, aromatique et puissant de pêche blanche, de citron, d’abricot sec, de banane qui prend une orientation florale après quelques instants (acacia, violette). La bouche affiche beaucoup de classe et d’amplitude : les notes de violette nous titillent en entrée de bouche, puis les fruits (abricot sec, coing, banane) prennent leurs aises. Un boisé léger (pâte d’amande, pain grillé) est perceptible et enrobe ce vin intense, généreux et gras qui reprend la richesse de ce millésime solaire (34.00€). IVV : 87/100.
Le vin suivant nous fait d’ores et déjà entrer dans la légende des grands vins blancs de la vallée du Rhône… L’Ermitage « Le Méal » 2007 de Michel Chapoutier est d’une couleur dorée limpide avec un gras plus prononcé que le Condrieu de Stéphane Montez. Son nez intense, complexe et minéral alterne l’eucalyptus, le boisé vanillé, puis la compote de fruits (groseille à maquereau, mangue, figue) et le miel avec des notes subtiles de fleurs blanches et de céleri. Cette cuvée faite à partir de vieilles vignes de Marsanne de plus de 50 ans offre une harmonie parfaite en bouche avec une matière grasse, minérale et intense et cette touche irrésistible de caramel au beurre salé. Son équilibre est d’ores et déjà exemplaire entre chaleur et fraîcheur car il est soutenu par une acidité remarquable qui le rend accessible même à ce stade précoce. La finale est complexe et dévoile des notes de cacahuète, de pain grillé et de pierre chaude. Opulent, expressif, il gagnera néanmoins à vieillir encore de nombreuses années afin de sublimer les plats les plus festifs. Notre ami Bob lui accorde la note maximale (98-100/100), pour ma part je lui donne une note presque parfaite qui ne pourra que se bonifier si j’ai la chance de regoûter à ce nectar dans 10 ans (179.00€). IVV : 94+/100. Les plus fidèles lecteurs de ce blog se souviennent peut-être aussi de l’Ermitage « Le Méal » 1997 dégusté il y quelques années qui nous avait tout autant dérouté. En tous cas ce vin ne laisse personne indifférent et clôture de fort belle manière la série des vins blancs.
Nous attaquons maintenant les vins rouges avec la Côte-Rôtie « Réserve du Domaine » 2005 du Domaine Ogier. Selon Marc ce domaine produit des vins d’une grande fraîcheur qui sont d’excellents compagnons de gastronomie. De couleur rouge soutenu au disque rubis gras, il s’ouvre sur des notes de fruits rouges (fraise des bois, griotte), de terre mouillée, de sous-bois, de poivre blanc et d’autres épices. Profond et élégant, il gagne en volupté en bouche après une attaque douce et veloutée. La bouche est à maturité et séduit de par sa pureté et ses tannins fins. La fraîcheur est omniprésente en seconde partie de bouche et précède une finale épicée. Opulence, buvabilité et accessibilité sont les attributs de ce vin qui dans une autre dégustation aurait peut-être tenu le haut du pavé, pour ma part je l’ai trouvé bon mais sans plus (64.00€). IVV : 82/100.
Un autre grand nom de la vallée du Rhône trône sur la bouteille suivante. Un indice ? Il s’agit du père de la célèbre trilogie des Côte-Rôtie… Et bien ce soir nous nous ferons très plaisir avec cette excellente Côte-Rôtie « Château d’Ampuis » 2006 la maison Guigal. Sa robe rouge rubis aux reflets tuilés donne une indication quant à son âge. Le nez est sur un fruit rouge séduisant avec des belles notes secondaires de fleur fanée, de café, de cacao, de fumée et de minéral. L’attaque est élégante, le palais harmonieux et d’une belle finesse. La finale offre un feu d’artifice complexe et plein de vivacité dans laquelle se mêlent les épices (poivre, piment, cannelle) et l’asperge (!) Superbe, dynamique et complexe, ce très beau 2006 nous laisse imaginer ce qu’est capable de produire cette Côte-Rôtie dans des millésimes plus prestigieux (35hL/ha – 89.00€). IVV : 91/100.
Nous changeons d’appellation et nous rendons sur les plus beaux coteaux d’Hermitage avec le fleuron de la maison Jaboulet à savoir l’Hermitage « La Chapelle » 2005. D’une couleur sombre et intense aux reflets violets, cet Hermitage arbore des notes mûres de figue, de confiture de quetsche, de pruneau rehaussées d’épices (gingembre, anis). Enjôleur et élégant, il met en avant toute la finesse de la reine Syrah. La bouche est veloutée, harmonieuse, généreuse avec des tannins fins, élégants mais encore jeunes. La finale est très longue et mettra au jour le terroir après quelques temps en bouteille. Il est encore à un stade embryonnaire ; ce soir il nous a impressionné de par toute sa distinction mais je suis persuadé que ce concentré d’Hermitage étonnera celui qui aura la chance de l’ouvrir dans 15 ans. Superbe vin (170.00€) ! IVV : 93+/100.
Véritable surprise au milieu de cette dégustation, le Côtes du Rhône « La Sagesse » du Domaine Gramenon 2009 tient la dragée haute à tous ses concurrents qui sont proposés à un prix beaucoup plus élevé. Imaginez-vous que ce vin se trouve sur le marché aux alentours de 20.00€, autant dire l’équivalent d’une gorgée du vin précédent… Alors certes c’est presque aussi bon mais il est vrai que d’extraire un tel bijou avec une estampille « Côtes du Rhône » donne à réfléchir. Sa couleur pourpre soutenue et son aspect liquoreux sont remarquables. Tout d’abord animal (transpiration, crin de cheval, jus de viande – bouillon), le nez s’ouvre à l’aération sur la mûre, la réglisse et le cassis avec une orientation kirschée et iodée. En bouche on a affaire à un ensemble très concentré, gras avec les arômes fruités du nez plus une touche d’encre. Sa puissance et sa matière sont tout bonnement incroyables avec une mâche et une fraîcheur énormes. Ce vin est construit à partir d’une matière première remarquable (25hL/ha) a macéré pendant 15 jours et a été élevé en barriques bourguignonnes de 225L. Pas d’interventionnisme, pas de soufre et au final un tempo parfait pour ce rapport qualité-prix unique. IVV : 90+/100.
Après ce superbe Côtes du Rhône qui nous a montré la voie des Rhône Sud, l’électrochoc avec le Châteauneuf-du-Pape « Henri Bonneau » 2006 du Domaine Bonneau est immédiat. Quel vin ! Une belle robe rubis peu profonde précède un nez tout en finesse et délicat de figue, de framboise, d’eucalyptus, de sous-bois et d’épices (clou de girofle, poivre). Une gourmandise olfactive qui préfigure une bouche de toute beauté, avec un éclat digne des plus grands. L’attaque est fraîche, le vin est dynamique et frais sur des arômes de jus de viande, de balsamique et d’épices mais est enrobé par un beau gras. Il y a encore une belle mâche, ce qui laisse augurer une certaine garde supplémentaire. En tous les cas la vigueur, l’élégance et la complexité caractérisent ce vin qui surprend par sa grande classe. Unanimement il s’agit d’un des vins de la soirée et quand on pense que ce n’est que l’entrée de gamme, ça me laisse rêveur (121.00€)… IVV : 95/100.
La robe de « La Syrare » 2009 d’Alain Gallety, Côtes du Vivarais est étonnante, pourpre brillant aux reflets violacés avec une densité digne des plus belles encres. Son nez est complet avec tout d’abord des effluves de violette et de pivoine suivis de fruits noirs (cassis, mûre) et d’épices. Quel nez sublime, élégant et aérien ! La bouche est elle aussi d’une grande élégance mais reste discrète tel un parfum qui ne veut trop se montrer. Il s’agit d’un élixir de Syrah d’une grande amplitude et d’une concentration extrême avec des tannins tout en velours. Superbe finale qui sait rester fraîche. En somme nous avons affaire à un vin d’équilibre encore jeune, il suffit de jeter un Å“il à tous les points d’exclamation sur mon carnet de notes pour constater à quel point j’ai été séduit (65.00€). IVV : 90++/100.
Pour finir nous déroulons le tapis rouge pour le Château de Beaucastel 2009, Châteauneuf-du-Pape. Sa couleur grenat profonde est à l’image de la beauté des robes de tous ces vins de prestige : profonde et éclatante. Son nez est d’un élégance folle ; telle une danseuse étoile, il danse sur les fruits noirs (mûre, cassis), les herbes de Provence (thym, romarin), le poivre vert, puis des notes chocolatées et empyreumatiques. Encore jeune, ce nez est déjà sublime ! En bouche on touche à un Grand Vin avec une grande personnalité, une opulence et encore un grand potentiel. Plein d’arômes complexes se succèdent et constituent cet ensemble charnu, sauvage et épicé, qui est tenu par une superbe acidité et un regain de fraîcheur en finale. Ce grand vin de caractère aura encore besoin de plusieurs années avant de s’affirmer mais est déjà étonnamment accessible pour un Beaucastel. Franchement superbe en tous points ! IVV : 95/100.
Cette dégustation est absolument exceptionnelle car elle compile de grands vins de renom avec certaines surprises qui tiennent très bien leur rang. L’ivresse et la convivialité ambiante nous conduit à réclamer une ultime bouteille qui viendra couronner cette série de prestige. J’avais beaucoup entendu parler du vin qui va suivre sans jamais pouvoir tremper mes lèvres dans ce nectar unanimement salué par les amateurs comme la référence de la vallée du Rhône, l’aboutissement pour tout dégustateur amoureux de cette célèbre région viticole. Après quelques appels répétés Marc veut bien nous ouvrir Château Rayas 2006, Châteauneuf-du-Pape. Déjà sa robe orangée très claire est unique et distingue ce vin de tous ses autres compagnons sur l’appellation. Il faut savoir que Rayas est différent de tous les autres vins de Châteauneuf-du-Pape car il est issu à 100% de vieilles vignes de Grenache sur un sol sablonneux en retrait du village, à la lisière d’une forêt, alors que le reste de l’appellation grandit majoritairement sur ces sols célèbres de galets roulés. Son nez subtil s’ouvre sur la fraise écrasée, la rose fanée, l’oignon confit et le clou de girofle. Exceptionnel de finesse, il se distingue entre mille de par son éclat et son côté enivrant. Sa fraîcheur est bien présente (eucalyptus, minéral), tout comme au palais qui est hors normes tant il procure un sentiment de séduction immédiat : autour d’une déclinaison d’orange (zeste d’orange, orange mûre et fleur d’oranger) et d’épices (cannelle, clou de girofle, noix de muscade), la bouche procure une grande émotion tant elle est veloutée et aérienne. Grand Vin ! Grande émotion ! Merci ! IVV : 97-98/100.
Pour moi c’est le vin de l’année : tant il est émouvant, tant il est dur de finir ce verre, comme si je ne voulais conclure ce moment de plaisir si éphémère… Je me souviendrai longtemps de ce vin, je fais maintenant partie des victimes de ce nectar des Dieux et casserai volontiers ma tirelire pour acquérir quelques flacons de ce vin si mythique, d’autant que le millésime 2007 risque d’être traqué par tous les amateurs et tous les spéculateurs. En bref je voulais remercier mes compagnons de fortune qui ont été présents ce soir et me réjouis d’entamer une nouvelle année de dégustation avec eux.
In vino veritas