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L’amour des bonnes choses et la convivialité réunissent (au moins) une fois par an notre groupe des amis du Monde du Vin autour de belles bouteilles. Ce lundi n’aura pas dérogé à la tradition : Champagne 2006, Taittinger ; Meursault 1998, Domaine des Comtes Lafon ; Corton Grand Cru Clos des Cortons Faiveley 2008, Faiveley ; Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Vaucrains 1995, Henri Gouges ; Vosne-Romanée 1er Cru Les Petits Monts 1999, Joseph Drouhin ; Ermitage « Les Greffieux » 2001, Michel Chapoutier ; Clos de la Coulée de Serrant 1990, Savennières ; Château Mouton-Rothschild 1985, 1er Grand Cru Classé de Pauillac ; Riesling « Cuvée Frédéric Emile » Sélection de Grains Nobles 2001, Trimbach ; Côteaux du Layon « Confidence de Plaisance Première Glace » 1997, Château de Plaisance.

 

Un lundi au soleil c’est une chose que l’on aura jamais ; mais un lundi en bonne compagnie, c’est que nous avons choisi pour un après-midi des plus complets ! Depuis de nombreuses années je retrouve la troupe du Monde du Vin pour partager et vibrer autour de grandes bouteilles. Une fois de plus nous n’avons pas failli à notre réputation puisque Fabrice, Christian, Jean-Paul et moi-même faisons perdurer cette belle tradition depuis 8 ans maintenant… Depuis nous avons ouvert les portes de l’arrière-boutique du magasin à d’autres invités qui ont très vite joué le jeu : Francis, le père du patron, qui nous mijote les plus nobles pièces de gibier, et Philippe qui représente une relève prometteuse !
Dégustation de vins

Le décor est planté, les derniers dossiers sont remis au lendemain et nous pouvons, l’espace d’un après-midi, suspendre le temps aux mille nuances de tous les vins que nous dégustons à l’aveugle. Seule exception à la règle, le Champagne Taittinger 2006 qui est débouché sans attendre pour nous offrir une excellente mise en bouche. Dominé par le Chardonnay au nez et ces notes de fruits exotiques, de mirabelle, de coing et de beurre, il annonce un ensemble bien gras. La rondeur de l’ensemble est cependant balancée par la structure fraîche et vive du Pinot Noir. A la fois frais et sapide il est annonciateur de belles promesses gastronomiques. Certains spécialistes de cette maison nous disent que les Taittinger millésimés (hors « Comtes de Champagne ») sont très proches en style de la cuvée « Prélude », néanmoins ils se vendent moins bien que cette dernière cuvée car bon nombre de clients hésitent à acheter un Champagne aussi « vieux ». Et bien si vous hésitiez, soyez rassurés car ce Champagne est encore au début de sa carrière !

Meursault 1998 - Comtes LafonLe foie gras d’oie entre en scène avec une vieille connaissance, à savoir le Meursault 1998 du Domaine des Comtes Lafon que nous avions déjà eu la chance de déguster ensemble il y a 2 ans (voir par ailleurs). Une fois de plus ce Meursault village surprend par son volume digne des meilleurs crus de l’appellation. Sa robe dorée et brillante laisse apparaître quelques particules en suspension. Le premier nez paraît encore plutôt réduit malgré le passage en carafe, avant de s’épanouir sur une grande rondeur fruitée et miellée, avec des touches d’herbes et de tilleul en évolution. La bouche grasse se caractérise par une minéralité sous-jacente. Son volume et sa puissance caractéristiques de Meursault sont portés par une marque du terroir, à la fois par des nuances fumées, grillées et d’herbes fines. L’équilibre est parfait, l’accord avec le foie gras encore plus. Une référence qui donne vraiment envie de casser sa tirelire pour goûter au reste de la gamme de Dominique Lafon…

Clos des Cortons 2008 - Selle de chevreuilNous restons en Bourgogne pour un intermède dédié au Corton Grand Cru Clos des Cortons Faiveley 2008 de la maison Faiveley. Situé au nord-est de la montagne de Corton, entre les climats Renardes et Rognet, ce clos appartient à cette famille nuitonne depuis 1937. D’ailleurs les Faiveley sont très fiers d’affirmer que ce clos est le seul en Bourgogne à porter le nom de son propriétaire, avec la Romanée-Conti… Sa couleur claire de Pinot Noir me fait penser à une robe rubis faite de soie. Il semble que la puissance suggérée par le nez, avec des notes viandées, de petits fruits rouges et d’épices, soit toutefois assagie par le froid du millésime. La bouche, toute en finesse, reprend les petits fruits rouges et se veut très docile malgré une belle concentration. Ce vin de plaisir se montre très süffig (comprenez très facile à boire) car il est marqué par une acidité fraîche. Tous ceux qui ont quelques bouteilles de plus dans leur cave seront ravis de savoir que ce Clos des Cortons atteindra bientôt son plateau de maturité…
Nous remontons le vignoble bourguignon en nous arrêtant à la porte de la Côte de Nuits, plus précisément avec le Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Vaucrains 1995 du Domaine Henri Gouges. Souvent cité comme étant le gardien de la tradition nuitonne, ce domaine mythique de Bourgogne nous offre ici un vin de 20 ans à la robe sombre et évoluée. Plutôt giboyeux et marqué par le bois au nez, il se montre assez austère, ingrat et peu engageant. La bouche présente elle aussi une touche boisée omniprésente ainsi qu’une acidité marquée qui ne supporte pas suffisamment la matière du vin. « Trop d’élevage ? » s’interroge Fabrice : je pense qu’il a raison car les tannins asséchants confirment cette idée. Au final je suis relativement déçu par cette bouteille en laquelle j’avais placé beaucoup d’espoirs…
Pour terminer notre étape bourguignonne, nous devons malheureusement sentir un Vosne-Romanée 1er Cru Les Petits Monts 1999, Joseph Drouhin bel et bien trahi par son bouchon ! Dommage car ce vignoble est un des crus emblématiques de la maison Drouhin, juste situé au-dessus de la Romanée-Conti et cultivé depuis longtemps dans le plus pur respect de la biodynamie… Jean-Louis, encore contrarié par ce défaut, nous promet qu’il parviendra à négocier une autre bouteille de Petits Monts avec Véronique Drouhin. Je l’espère sincèrement !

La série qui suivra ces deux déceptions nous redonnera du baume au coeur et accompagnera idéalement les derniers morceaux d’une selle de chevreuil délicieuse… En particulier l’Ermitage « Les Greffieux » 2001 de Michel Chapoutier. Sa couleur sombre et brillante nous prépare à un changement de région et de cépage. Ce cru est le dernier arrivé de la gamme des Hermitage de la maison Chapoutier, en complément des cuvées mythiques du Pavillon, du Méal et de l’Ermite. Les Greffieux sont situés au pied de la colline de l’Hermitage, ce terroir est donc plus riche en alluvions glaciaires. Les fruits noirs sont mûrs, les soupçons d’herbes grillées, de sauce soja et de viande séchée sont portés par les épices et une fraîcheur minérale digne d’un grand terroir. La bouche confirme nos attentes : une matière exceptionnelle ainsi des tannins frais, francs et juvéniles constituent un équilibre de vin idéal. Plus le vin parcourt le palais, plus les arômes se développent avant une finale en queue de paon, sur le poivre et la menthe. Complexité, fraîcheur et profondeur : voici les caractéristiques de ce véritable Grand Cru !

Coulée de Serrant 1990Le temps passe, les flocons tombent et les bouteilles défilent… Sur le plateau de fromages, Christian nous fait rêver avec un Clos de la Coulée de Serrant 1990, Savennières. Ce cru mythique de la vallée de la Loire est une ôde au Chenin. Après le 2007 et le 1995 dégustés lors de précédentes retrouvailles (voir par ailleurs), ce vin a réellement trouvé sa place à nos ripailles. Avec des arômes séduisants de fougère, de plantes médicinales, de fleur d’amandier et de pâte d’amande, il se distingue par sa complexité et sa précision aromatique. La bouche est amande, mêlée à des nuances citronnées et végétales. Un véritable rayon de soleil interrompt notre dégustation et c’est dans le recueillement que nous nous délectons de ce nectar de Chenin. Le volume de bouche, onctueux, mûr et charmeur est tranché par une acidité rafraîchissante qui nous accompagne jusque dans une finale d’une longueur incroyable. Le citron et les plantes médicinales ressurgissent, la persistance est royale. Un Grand Vin, tout simplement !

Mouton Rothschild 1985 - PauillacPour lui rendre la pareille le Château Mouton-Rothschild 1985, 1er Grand Cru Classé de Pauillac se pare de sa plus belle robe sombre aux reflets légèrement évolués. Son nez frais met au jour toute la maturité d’un Cabernet Sauvignon majestueux, à la fois sur le poivron mûr, le cigare et le fruit noir, avec quelques touches de sauge et de ronce. La bouche prend des allures nobles et allie une fraîcheur incroyable avec des tannins d’une maturité optimale. Nous ne savons pas encore ce que cache cette bouteille dégustée à l’aveugle mais tout le monde s’accorde pour dire que nous touchons à l’aboutissement d’un grand Bordeaux. L’équilibre est parfait, les tannins sont bons : tout est bon ! Ce Cabernet Sauvignon (75% de l’assemblage) nous fait saliver de bonheur et se prolonge dans une finale digne d’un (autre) Grand Vin : le tabac, le fruit noir évolué, des notes fumées et viandées, la réglisse, tout se conjugue dans une fin de bouche interminable. Encore une fois, une émotion ! Mon premier Mouton-Rothschild, un cadeau de la part de Philippe pour célébrer notre amitié et l’arrivée prochaine d’un heureux évènement. Je ne peux que le remercier du fond du coeur de nous avoir fait partager ce mythe de Bordeaux qui, sans aucun doute, a tenu son rang ! Bravo !

L’émotion et le partage sont à leur comble… Nous nous relevons de nos émotions avec deux grands liquoreux pour terminer le repas. Tout d’abord le Riesling « Cuvée Frédéric Emile » Sélection de Grains Nobles 2001 de la maison Trimbach à Ribeauvillé. Ce domaine célèbre d’Alsace a pris pour habitude de ne plus mentionner les grands crus sur ses étiquettes, il n’empêche que cette « Cuvée Frédéric Emile » provient des plus beaux côteaux des Grands Crus Kirchberg et Osterberg qui se situent juste derrière la maison familiale. Nous retrouvons d’emblée toute la finesse et un côté aérien propres au style Trimbach : la noix de coco, le praliné et la pâte de fruits précèdent des notes fumées et minérales d’une définition divine. L’attaque en bouche joue sur le caramel, le soufre et le fruit rôti. Nous sommes sous le charme de la noblesse du botrytis et la concentration incroyable du fruit associé à une vivacité tranchante. Digeste, frais mais d’un équilibre démentiel, je n’ai jamais goûté une SGN autant sur le fil du rasoir ! La marque du Riesling Trimbach, vif, joyeux et minéral ; le résultat d’un savoir-faire unique en Alsace à mon sens.
Nous allons encore plus loin dans la concentration et c’est à ce moment que Fabrice ouvre une bouteille du magasin qu’il n’avait encore jamais dégustée : le Côteaux du Layon « Confidence de Plaisance Première Glace » 1997 du Château de Plaisance est le résultat de sucres résiduels frisant les 300g/L ! Sa couleur acajou témoigne de son âge, en revanche sa fraîcheur est tout simplement juvénile. La bouche caramélisée est bien plus concentrée que le vin précédent grâce à une liqueur passerillée mais aucunement pataude, en raison d’une fraîcheur lumineuse. Un vrai vin de 16 heures ! Crémeuse, onctueuse et veloutée, cette « Confidence de Plaisance » nous laisse pantois avec sa finale portée par plusieurs vagues minérales. Absolument superbe, en tous points !

 

Je tiendrais secret le passage en revue de la gamme de Chartreuse des Pères Chartreux dont nous nous sommes délectés. Mais je n’oublierais pas les nombreuses émotions que nous avons partagées en cet après-midi entre amateurs : de l’Ermitage au Côteaux du Layon, la série s’est avérée absolument parfaite car elle a suivi un cours naturel qui nous a tout simplement suspendu au fil du temps. Certes il y a eu quelques déceptions, entre le Nuits-Saint-Georges et le Vosne-Romanée mais comment pourrons-nous oublier le crescendo que nous ont offerts tous ces grands vins de France. Une fois de plus, pour notre plus grand bonheur ! Merci à tous, et à très bientôt…

In vino veritas